Critique

The Spirit of ’45

The Spirit of '45 © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DOCUMENTAIRE | Avec The Spirit of ’45, Ken Loach livre un documentaire militant où le triomphe du labor party en Angleterre en 1945 prend la forme d’une invitation irrésistible à ne pas céder à la résignation. Incontournable.

Voilà longtemps que l’on n’avait plus connu Ken Loach aussi inspiré. Sans qu’il y ait eu fondamentalement grand-chose à y redire, les récents Looking for Eric ou autre The Angel’s Share traduisaient un certain ronron, fort aimable au demeurant, quand le cinéaste britannique ne s’égarait pas sur quelque Route Irish. A cet égard, The Spirit of’ 45 évoque un retour aux fondamentaux, qui voit le réalisateur de My Name is Joe s’élever avec vigueur contre l’un des maux de l’époque: le sacrifice d’un idéal social sur l’autel de l’individualisme et du néolibéralisme triomphants.

Pour instruire son propos, Loach recourt à l’arme du documentaire. Il s’attarde tout particulièrement sur la période qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, vit le coeur de la Grande-Bretagne battre au rythme d’un élan solidaire sans précédent. L’unité qu’avait affichée le peuple britannique pendant le conflit de 1939-1945, de même que le souvenir de la misère noire de l’entre-deux-guerres, assorti d’un fort sentiment de « plus jamais ça », étaient passés par là. Avec pour effet conjugué de mener au triomphe, aux élections de 1945, des idées socialistes et du labor party, conduit par Clement Attlee. Dans la foulée viendra la mise en chantier de réformes de grande ampleur, parmi lesquelles l’instauration, en 1948, de la sécurité sociale, sous les auspices du ministre de la Santé, Aneurin Bevan.

Engagement réaffirmé

Le contexte de l’époque, Loach le reconstitue à l’aide d’images d’archives, qu’il assortit de témoignages actuels. Si The Spirit of ’45 rouvre ainsi une page d’Histoire, c’est pourtant à l’abri de tout didactisme pesant. Admirablement documenté, multipliant les interventions aussi poignantes que pertinentes, le film vibre ainsi d’un supplément d’âme, cristallisant les espoirs de ses protagonistes, en même temps que s’y réaffirme l’engagement de l’auteur. Lequel ne cache pas, du reste, ses intentions militantes. Enoncé par George Lansbury au coeur des années 30, le constat suivant, « Cette absurdité de système bancaire a mené à la crise », invite à une lecture contemporaine du propos. Un postulat qui se vérifie lorsque le film bascule à la toute fin des années 70, quand Margaret Thatcher entame un long travail de sape qui conduira au démantèlement du welfare state britannique, laissant un paysage social et humain dévasté -entreprise que le blairisme à suivre ne saura infléchir… Sans doute le trait de Ken Loach est-il quelque peu appuyé -l’urgence ne s’encombre pas toujours de nuances, il est vrai. Si The Spirit of ’45 trouve là ses limites, cet appel, généreux en diable, au réveil d’une conscience sociale n’en apparaît pas moins utile et stimulant -comme un antidote bienvenu à la résignation. Haut les coeurs! ˜

  • Documentaire de Ken Loach. 1h34. Sortie: le 04/09.
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