The Boy Who Harnessed the Wind sur Netflix, un vent de liberté

En plus de réaliser le film, Chiwetel Ejiofor interprète le père de William (Maxwell Simba), jeune garçon qui dompta le vent.
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Chiwetel Ejiofor, l’acteur anglo-nigérian de Dirty Pretty Things et 12 Years a Slave, réalise un premier long métrage, drame familial inscrit au coeur d’un village malawite frappé par la famine, aujourd’hui distribué par Netflix.

À l’origine, il y a ce livre éponyme écrit par le jeune ingénieur malawite William Kamkwamba où il raconte sa propre histoire. En 2006, alors qu’il n’est encore qu’un adolescent, il devient célèbre dans son pays en construisant une éolienne à base de morceaux de bicyclette et de matériaux ramassés dans une décharge voisine. Soit la première d’une série d’inventions spontanées qui lui permettront de sortir sa famille et son village de la famine. Et une trajectoire humaine digne des plus grandes épopées mythiques que lorgne depuis une décennie déjà l’acteur anglo-nigérian Chiwetel Ejiofor, révélé au cinéma dans le Amistad de Steven Spielberg (1997) avant de faire le bonheur des Stephen Frears (Dirty Pretty Things), Woody Allen (Melinda and Melinda), Spike Lee (Inside Man), Alfonso Cuarón (Children of Men), Ridley Scott (American Gangster) et autre Steve McQueen (12 Years a Slave). « Non contente d’être tout bonnement incroyable, l’histoire de William est terriblement inspirante, s’enthousiasmait Ejiofor, 41 ans, lors de la dernière Berlinale, où The Boy Who Harnessed the Wind (Le Garçon qui dompta le vent en VF), son premier long métrage en tant que réalisateur, était présenté en séance spéciale avant son atterrissage international sur Netflix. Il y a quelque chose d’exemplaire et d’universel dans son destin. Adapter le livre en film, c’est aussi lui offrir une caisse de résonance plus importante. La crise alimentaire au Malawi est une tragédie hélas trop bien connue, mais elle est racontée ici de l’intérieur. Il s’agit d’embrasser un vrai point de vue africain sur une petite communauté rurale en lutte avec des éléments naturels violents. Lire un article ou regarder un reportage sur le sujet est une chose, mais je pense que c’est une tout autre expérience que de pouvoir ressentir de l’intérieur ce que c’est de vivre pareil phénomène. Le désespoir, la peur, les calculs incessants… On ne peut pas se figurer toutes ces choses à distance. Il est impossible de mesurer l’impact réel que peut avoir une moisson ratée sur des êtres humains, par exemple, sans en partager le quotidien et la réalité. »

Cette adaptation, le comédien devenu cinéaste l’a abordée dans l’idée de rester davantage attaché à l’esprit qu’à la lettre du roman-témoignage de Kamkwamba. « Le récit du parcours de William est censé provoquer une réaction émotionnelle intense. C’est à cette charge émotionnelle que je me devais d’être le plus fidèle. C’est pour ça que je suis parti très tôt, en amont de la production, pour le Malawi afin de rencontrer William et sa famille, et apprendre à connaître leur environnement direct. Il était impensable pour moi de faire un film déconnecté de cette réalité très concrète. C’est comme ça que j’ai découvert le Gule Wamkulu, notamment, cette danse initiatique et rituelle que j’ai décidé d’intégrer dans le film. Je voulais un objet qui aille plus loin que la simple identité générique que, trop souvent, on accole sommairement à l’Afrique. »

The Boy Who Harnessed the Wind sur Netflix, un vent de liberté

La place du père

Ployant ponctuellement sous les bonnes intentions sans pour autant jamais céder aux excès violoneux, le film, chapitré en saisons, est porté par un souffle et une sincérité appréciables. Solide, Ejiofor n’y laisse à personne d’autre le soin d’interpréter le rôle du père du jeune William. « Au départ, j’étais clairement trop jeune pour le rôle, donc l’idée ne m’a même pas effleuré l’esprit. Et puis, les années passant, et le projet mettant du temps à se concrétiser, disons que j’ai commencé à devenir suffisamment vieux pour pouvoir l’envisager (sourire) . Aussi, je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose de très enrichissant à être à la fois le réalisateur de Maxwell, qui interprète William, et son père à l’écran. Ça a créé une espèce de double lien très fort entre nous, qui se ressent, je pense, dans le film. »

Entre eux, le père et le fils parlent le chichewa, dialecte bantou largement répandu au Malawi, pays enclavé du sud-est de l’Afrique qui est aussi l’un des plus pauvres du continent. Et dont le film n’hésite pas à questionner les fondements politiques et économiques à travers les enjeux environnementaux particulièrement aigus qui les sous-tendent. « Le changement climatique a un impact très fort et très immédiat sur les conditions d’agriculture et de vie au Malawi, et il était primordial que le film aborde ces enjeux environnementaux en les reliant à des questions d’ordre économique et politique. Le problème de la non-régulation du prix des graines à cultiver, par exemple, est l’une des causes déterminantes de la famine au Malawi. Les décisions économiques prises à un niveau très global y impactent directement les conditions de vie à une échelle très locale. Tout comme la corruption et les limites effectives de la démocratie, qui ne font qu’aggraver les inégalités déjà existantes. Ce contexte politico-économique se devait d’être un élément narratif en soi. »

The Boy Who Harnessed the Wind. De Chiwetel Ejiofor. Avec Maxwell Simba, Chiwetel Ejiofor, Aïssa Maïga. 1 h 53. Disponible sur Netflix. ***

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