Terry Gilliam: « C’est un bien meilleur film que celui que j’avais imaginé il y a 25 ans »

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

3 questions à Terry Gilliam, réalisateur de The Man Who Killed Don Quixote.

D’où vient votre obsession pour Don Quichotte?

Je l’ignore. Je n’ai jamais cherché à analyser les raisons pour lesquelles je faisais des choses. Je vous renvoie à un passage du film: quand Toby dit qu’ils devraient expliquer à la police de quoi il retourne, Don Quichotte lui répond: « Tu penses qu’expliquer les choses explique quoi que ce soit? » C’est mon approche également. Je ne veux pas savoir ce qui me pousse à agir, je ne suis pas Woody Allen, qui passe par la psychothérapie pour découvrir le comment et tourne des films sur ce qu’il a appris. Je préfère ne pas savoir et préserver le mystère, la magie. Sans quoi, je risquerais d’être paralysé.

Près de 30 ans se sont écoulés depuis la genèse du projet. Ce film est-il encore celui que vous aviez à l’esprit à l’époque?

C’est un bien meilleur film que celui que j’avais imaginé il y a 25 ans. Beaucoup de choses ont changé dans le scénario, et notamment l’idée d’y intégrer le fait que Toby avait tourné une version de The Man Who Killed Don Quixote lorsqu’il était un jeune réalisateur innocent et ambitieux, pas encore corrompu par le succès. Le film raconte aussi comment tous ceux ayant été impliqués dans ce film de jeunesse en sont sortis corrompus, Quichotte en particulier, qui est devenu fou.

À en juger par votre parcours, tourner des films est-il par essence problématique?

On raconte toujours dans les making of et les documentaires que le tournage d’un film est une expérience merveilleuse, mais c’est du pipeau. Vous avez vu Lost in la Mancha (épatant documentaire de Keith Fulton et Louis Pepe relatant le naufrage d’une précédente tentative de Gilliam de tourner sa version de Don Quichotte , NDLR)? Tous les cinéastes de ma connaissance m’ont dit avoir connu des expériences similaires et avoir pensé à un moment ou un autre ne pas y arriver. C’est un business difficile, qui requiert d’être extrêmement déterminé et motivé, sans quoi il y a des moyens bien plus simples de gagner sa vie: il n’y a qu’à faire des pubs, comme Toby. J’ai tourné ma dernière pub en 2002 pour Nike, à l’occasion de la Coupe du monde. J’ai été mieux payé pour dix jours de travail que je ne l’aurais été pour un an sur Don Quichotte. C’est là tout le côté séducteur mais aussi dangereux de la publicité… J’ai cessé d’en faire, parce que je ne voulais pas consacrer ce qu’il me restait de temps à vivre à vendre de la nourriture pour chiens. Les publicités vendent du rêve, et moi, je préfère être le rêveur qu’un vendeur de rêves superficiels…

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