Oh Boy
COMÉDIE DRAMATIQUE | L’errance en noir et blanc d’un jeune homme dans berlin offre à Jan Ole Gerster le cadre d’un film singulier, à l’atmosphère jazzy, au sens de l’humour décalé.
A bientôt 30 ans, Nico (Tom Schilling) a tout de l’éternel étudiant, lui dont le parcours s’est résumé, pour l’essentiel, à attendre que la vie ne lui impose des décisions qu’il ne peut se résoudre à prendre. En ce matin, pourtant, il semblerait que les éléments se soient ligués pour l’arracher à son indolence. Entamée en mode aigre-doux par une discussion fuyante avec sa copine, sa journée va lentement mais sûrement virer au curieux chemin de croix, la conversation surréaliste l’opposant à un psychologue peu enclin à l’empathie n’étant que le premier d’une longue série d’événements en apparence anodins venus lui empoisonner l’existence, comme autant d’insurmontables contrariétés. Et de parcourir les rues de Berlin, en quête, sinon de réconfort, du moins de cette tasse de café qui pourrait le requinquer. Une entreprise plus problématique qu’il n’y paraît, qui va le voir notamment confronté à un voisin envahissant ou encore retrouver une ex-camarade d’école au caractère bien trempé, deux micro-épisodes de ces 24 heures tutoyant l’absurde plus que de raison.
Berlin, ville ouverte
L’errance urbaine est un genre en soi, qui a connu ses réussites exemplaires, de Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle, avec une sublime Jeanne Moreau, à Olso, 31 août, l’équipée nihiliste de Joachim Trier. Oh Boy évoque un peu ces deux-là, d’ailleurs, que viennent rythmer des ponctuations jazzy dans un héritage assumé de la Nouvelle Vague, et que porte encore un courant spleenesque manifeste, la désespérance en moins, à laquelle Jan Ole Gerster préfère, à l’évidence, un humour décalé et une économie n’étant pas sans évoquer le Jim Jarmusch des débuts. Là s’arrête pourtant le jeu des comparaisons, ce premier long métrage trouvant bientôt sa musique propre, le portrait atypique d’un jeune homme à la croisée des chemins s’y doublant d’une ode envoûtante à Berlin, la capitale allemande étant rarement apparue aussi rayonnante que dans ce road movie pédestre illuminé par le noir et blanc de Philipp Kirsamer.
A l’autopsie, et sans plus se départir de sa modestie que de son ton singulier, cette déambulation berlinoise réussit à opérer en profondeur, déclinant en mode inspiré les étapes d’une découverte de soi qu’elle accroche à une perspective plus vaste. C’est là, notamment, le prix d’un film aussi savoureux que parfaitement maîtrisé. Nous arrivant bardé de distinctions aux Oscars du cinéma allemand -au rang desquelles celles des meilleurs film, réalisateur et acteur-, Oh Boy ajoute au parfum de l’inédit la justesse d’un propos dont la drôlerie à répétition ne saurait occulter la délicate acuité. Autant dire qu’il y a là un metteur en scène à suivre…
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Oh Boy, de Jan Ole Gerster. Avec Tom Schilling, Friederike Kempter, Marc Hosemann. 1h25. *** Sortie 05/06
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