Laurent Raphaël

Moyen-Orient Express

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Tout d’abord, une petite pensée amicale pour les « envahisseurs » des espaces publics turcs. Cet assemblage hétéroclite d’étudiants, d’artistes et de… supporters de foot (les ultras, anars et patriotes, du Besiktas en tête) nous rappelle avec panache que si la Grèce a inventé la démocratie, c’est peut-être chez son voisin turc qu’elle joue sa survie.

Ce flash mob qui frise par moments le rassemblement arty (lire également le Focus du 14 juin), et qui évoque les premiers soubresauts du printemps arabe, avant que de la barbe ne lui pousse au menton, ou encore le feu de paille du soulèvement de la jeunesse iranienne en 2009, fait souffler un vent de liberté du Levant rafraîchissant. Quel plaisir en effet de voir une population volontiers stigmatisée de toutes parts (trop orientale pour les Occidentaux, trop occidentalisée pour les Orientaux) se mobiliser pour exprimer sa crainte de se faire anesthésier par un islamisme bon teint.

On ferait bien d’en prendre de la graine, nous qui, sans doute gavés de liberté, nous laissons engluer dans la « débilocratie ». Quand une société élève au rang d’idoles des freaks comme Mickaël Vendetta, Psy, Nabilla ou les jumeaux pornographes Sewell, c’est qu’elle tangue dangereusement. Ou pire, qu’elle est atteinte d’une maladie auto-immune. Autrement dit, elle sécrète elle-même le poison qui va l’achever. La télé plante les mauvaises herbes à travers ses émissions mentalement déficientes et le Web arrose joyeusement le tout. C’est donc la faute aux (nouvelles) technologies? Un peu court comme explication… Ce n’est pas parce que les chaînes nous prennent pour des moutons que l’on est obligés de bêler.

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Ce nivellement par le bas n’a en tout cas pas échappé à une poignée de cinéastes qui s’emparent de cette grammaire trash-outrancière pour nous mettre le nez dans notre caca. Avec le risque de se faire accuser de récupération et d’en remettre une couche dans la vacuité et la superficialité glossy. Un procès absurde. Ce serait comme taxer Marco Ferreri d’apologie de l’obésité pour avoir tourné La grande bouffe. Alors, qui sont ces nouveaux pygmalions qui projettent sur l’écran, en les désaxant subtilement pour en dévoiler la face sombre, les désirs coupables qui habitent les pensées avachies vérolant notre époque? Viennent à l’esprit comme une évidence les noms de Harmony Korine (Spring Breakers), Sofia Coppola (The Bling Ring) ou Nicolas Winding Refn (Drive). Malins, roublards et un peu illusionnistes sur les bords, ils font mine de reproduire les codes bling-bling de la déroute pour mieux en stigmatiser les travers, les pièges, les faux-semblants, les conséquences funestes. Bref, ils nous chatouillent la moelle épinière pour nous faire réfléchir et, qui sait, réagir, usant simplement de cette liberté d’expression dont on veut aujourd’hui priver tout un peuple au nom d’un conservatisme qui pique aux yeux comme les gaz utilisés place Taksim. Inutile de préciser que leur combat est aussi le nôtre!

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