Marie Garel-Weiss: « J’ai fini par m’ouvrir au fait que cette histoire, c’était MON histoire »

Arrivées le même jour dans un centre de désintoxication, Céleste (Clémence Boisnard) et Sihem (Zita Hanrot) nouent une amitié exclusive... © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Marie Garel-Weiss conjugue le romanesque et le réalisme dans La fête est finie, premier long métrage haletant.

Nous n’oublierons pas les deux héroïnes de La fête est finie , que la drogue réunit dans un centre de désintoxication où elles entrent le même jour. Marie Garel-Weiss fait fort pour son premier long métrage, après un parcours de scénariste et de réalisatrice de courts plutôt orientés vers le film de genre. Elle rejette la qualification de « naturaliste » donnée à son film dans pas mal de critiques parues en France (y compris parmi les plus positives).  » C’est le romanesque qui m’intéresse plus que tout. Qu’on parle de quasi-documentaire m’a un peu désolée« , commente-t-elle avec un petit sourire navré.

Faire le film ou bien mourir

« Au départ, je me m’autorisais pas vraiment à dire que je voulais être réalisatrice, confie Garel-Weiss. J ‘étais scénariste et je voyais les réalisateurs avec qui je travaillais afficher une opiniâtreté, un côté obsessionnel que je ne sentais pas en moi. » Même informulée, l’envie était pourtant là. « J’avais plusieurs idées mais j’étais un peu timide, je n’osais pas trop. Il a fallu des années pour que quelqu’un décide de se pencher sur un des sujets pour lesquels j’avais des velléités, et me dise: « Mais ça, tu dois le faire! » Je me souviens qu’un ami cinéaste aguerri m’a dit d’y aller, avec cet argument qu’un premier film très personnel est toujours accueilli avec plus de clémence… »

Marie sourit rétrospectivement de la manière « un peu scolaire » avec laquelle elle a commencé à travailler sur ce projet avec sa productrice. Une manière qui a pris fin soudainement, « parce qu’à un moment j’ai complètement dévissé, parce que désormais quand j’écrivais, je me disais que si ce film ne se faisait pas -il y avait quand même 95 % de chances qu’il ne se fasse pas…-, je pourrais en mourir! Là je suis devenue dingue, comme ces réalisateurs avec lesquels j’avais travaillé et qui me rendaient folle en m’appelant à 6 heures du matin, ces gens dont je me disais qu’ils n’avaient pas de vie. Je n’étais pas née avec cette combativité, cette confiance en soi nécessaire pour penser que le film DOIT se faire. Aux premiers rendez-vous avec le co-scénariste (1), quand il me demandait de quoi je voulais parler, je me disais que j’allais tellement le faire chier avec mes idées… Je lui disais que ça l’ennuyait sûrement et il répondait: « Mais non, je suis là pour ça! » Ça aura pris du temps, mais j’ai basculé. J’ai fini par m’ouvrir au fait que cette histoire d’une fille paumée qui en rencontre une autre, c’était MON histoire, ça parlait de moi… »

Passer du vécu le plus personnel, le plus intime à un film nécessairement incarné, le défi n’était pas mince. « Il est devenu impossible de ne pas dire que c’est mon histoire mais comment faire un film romanesque, un peu mélo et qui aille « à l’os » avec cette matière vécue? » Une des clés majeures fut bien sûr de trouver les interprètes des deux personnages principaux. « Ces deux filles avaient existé et à l’écriture, je m’étais efforcée de m’en détacher, au point de faire de l’une d’elle -celle qui avait été moi- quelque chose d’éthéré, une figure conforme à celles d’un certain cinéma français, pas du tout incarnée. Il m’a fallu, avec mon co-scénariste, la réécrire avec un côté un peu plus brut, accidenté, qui ne marche pas dans les clous, aux limites du comique, un peu à la Pierre Richard. » Au casting, elle cherche une blonde aux yeux bleus comme elle. « Et puis j’ai été accrochée par l’audition d’une… petite brune pas du tout éthérée, dont les essais m’ont fait rire, et qui avait tellement de force qu’elle m’a fait revenir sur ce que j’avais projeté. » Clémence Boisnard a su émerger d’un nombre énorme de filles qui venaient pour le rôle -« jouer une toxicomane semble être un fantasme majeur pour les jeunes comédiennes! » Pour le rôle de Sihem, la réalisatrice a d’abord vu Zita Hanrot en photo, dans des journaux.  » Physiquement, elle ressemblait à la copine qui m’a inspiré cette histoire« , se souvient Garel-Weiss qui a ensuite vu Fatima (2), où l’actrice incarne « une jeune fille très sage, qui s’occupe bien de sa mère et qui fait des études de médecine, bref pas du tout le personnage de mon film. » Rencontrer Zita révéla que « son rôle dans Fatima était une pure composition et qu’elle avait en elle tout ce qu’il fallait pour être Sihem« . La réalisatrice put dès lors mettre Clémence et Zita « à la colle » et constater que l’alchimie entre elles opérait.

Bien dans son genre

Marie Garel-Weiss se sent désormais des envies de comédie, comme elle eut -et a encore- des désirs de film d’horreur. Appréciant beaucoup Grave, elle écrivit naguère et bien avant le film de Julia Ducourneau un scénario sur « un couple qui mange des enfants« . « Bien sûr, on m’a crue folle et personne n’a voulu produire ça!« , dit en riant celle qui travailla aussi avec un cinéaste belge féru de films de genre, Fabrice du Welz.  » Le projet que nous avons écrit ensemble ne s’est malheureusement jamais concrétisé, regrette-t-elle. « J’ai connu Fabrice avant Calvaire , il travaillait dans une boîte de production et il avait tellement de désir de faire ce film qu’il en était couvert de boutons de stress. Ça faisait trois ans qu’il attendait. Moi j’avais un copain qui montait sa propre boîte de prod’ et j’ai fait un truc pas très net, je lui ai filé le scénario en douce. Il a aimé, il a fait le film! On a une histoire, Fabrice et moi. Il est dans la forme et en même temps il croque des personnages passionnants. Avoir une esthétique ne signifie pas qu’on filme froid, distant. Prenez Xavier Dolan avec Mommy: c’est aussi intense que superbe! »

(1) Salvatore Lista, co-scénariste du fulgurant Mange tes morts de Jean-Charles Hue.

(2) Film de Philippe Faucon, sorti en 2015.

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