Love story : Only You, l’art du couple

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

La cinéaste britannique Harry Wootliff signe un premier long métrage sensible, autour d’un jeune couple confronté à la difficulté d’avoir un enfant.

Harry Wootliff apprécie, de toute évidence, les chemins sinueux. Si Only You débute comme quelque sucrerie romantique -un jeune couple s’y rencontre la nuit de Nouvel an à Glasgow pour aussitôt filer le parfait amour-, c’est pour mieux embrasser par la suite un sujet aussi délicat et sensible que la fécondation in vitro. Quant à la réalisatrice anglaise (elle est originaire de Leeds, dans le Yorkshire, berceau de Gang of Four et des Sisters of Mercy notamment), elle s’était préparée à une carrière de comédienne avant de finalement opter pour la mise en scène, signant deux courts métrages remarqués, Nits et Trip, en prélude à l’aventure du long. « Je pense n’avoir jamais été destinée à devenir actrice, soupèse-t-elle, alors qu’on la retrouve dans le cadre impersonnel d’un hôtel du centre de Bruxelles. J’ai toujours beaucoup plus aimé les répétitions ou l’analyse d’un scénario que le jeu. Je me souviens m’être dit lors du tournage de mon premier court, tandis que j’observais les comédiens à l’abri du moniteur, combien je me trouvais dans une position incroyable parce qu’elle me permettait de jouer tous les rôles sans être limitée à ma seule personne. Et puis, fondamentalement, j’avais plus envie de raconter une histoire que d’y apparaître… »

Au feeling

Celle de Only You a, presque incidemment, une résonance toute personnelle. « À l’origine, je souhaitais raconter l’histoire d’une relation qui paraisse réelle, intime et romantique tout en se déclinant dans la durée. Il se trouve qu’à l’époque, j’essayais d’avoir un enfant sans y parvenir. Je n’avais pas imaginé écrire sur ce sujet, mais il m’a semblé que cela servirait mon propos. Le film est donc devenu fort personnel, sans pour autant avoir une dimension cathartique… » Entre-temps, Harry Wootliff tombera d’ailleurs enceinte – « cela a certainement rendu la réalisation du film plus facile », dit-elle avec le recul-, sans que cela n’altère la teneur du propos. « Je tenais à écrire une histoire qui aborde ce sujet et incite les gens à en parler. Cela me semblait d’autant plus important que je touchais là à un tabou. On a tendance à porter des jugements sur le fait de vouloir un enfant bien qu’on ne puisse pas en avoir, ou sur le fait de ne pas vouloir d’enfant. » Sans surprise, monter un projet autour de la fécondation in vitro et de ses aléas ne sera pas évident, écueil n’ayant en rien entamé sa détermination. « C’est un sujet provocant, en effet, mais je tenais à ce que les spectateurs entrent dans la peau de cette jeune femme. De l’extérieur, on peut avoir l’impression que ce n’est pas vraiment un problème, et que la vie continue. Mais comme elle le dit, il s’agit du deuil d’un enfant qu’on ne connaîtra jamais. Ce n’est pas quelque chose de facile à accepter, et il n’est pas aisé de continuer à avancer après ça. Je savais que ce serait difficile, mais mon moi rebelle a trouvé dans ces obstacles matière à renforcer ma détermination. » La cinéaste obtiendra les apaisements nécessaires lorsqu’Artificial Eye, distributeur art et essai bien connu en Grande-Bretagne, s’engagera à ses côtés sur foi du seul scénario.

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La réussite de Only You tient, il est vrai, pour bonne part à l’équilibre présidant à son écriture, et voulant que le propos, dans sa teneur intime, ne soit jamais écrasé par le sujet de société. « Il fallait que le film reste une histoire d’amour déclinée à hauteur de leur relation, et non qu’il se transforme en un pensum médical ennuyeux et peu engageant, sans rapport avec une expérience de cinéma. J’ai veillé à refléter en permanence quelque chose de leur relation, de leurs sentiments mutuels et de leurs rapports, de manière à toucher à quelque chose d’universel, afin que l’on puisse se projeter dans leur histoire, par-delà leur problème singulier. » Pari relevé haut la main, Only You donnant à vibrer à l’unisson de ses personnages, porté par une mise en scène s’insinuant au feeling dans leur intimité: « Shabier Kirchner, le chef-opérateur, est quelqu’un de très sensible et intuitif. La première fois que nous avons discuté, nous n’avons parlé ni objectifs ni lumière, mais bien émotions, l’idée étant que la caméra réponde aux acteurs, et non l’inverse. » Manière de laisser opérer l’alchimie unissant Laia Costa (vue précédemment dans Victoria) à Josh O’Connor (révélé dans God’s Own Country), leur histoire d’amour écrite à rebours des clichés dispensant une émotion sincère. Une découverte.

Only You

Tout commence par une nuit de Nouvel an, dans le taxi qu’ils se disputaient un peu plus tôt à peine: entre Elena (Laia Costa) et Jake (Josh O’Connor), c’est le coup de foudre, balayant tout sur son passage. Mais si leur histoire débute comme un conte de fées, avec leI Want Youd’Elvis Costello pour bande-son, la réalité ne tarde pas à les rattraper lorsque le couple est confronté à la difficulté d’avoir un enfant… Premier long métrage de la cinéaste britannique Harry Wootliff,Only You balance entre élan romantique et sujet de société sans jamais sacrifier le premier au second. En résulte, tout en retenue mais sans faux-fuyants pour autant, un drame intimiste sensible, dépassant le cadre du film à thème (la fécondation in vitro en l’occurrence) pour toucher à la réalité complexe d’une relation amoureuse idéalement servie par l’alchimie unissant Laia Costa à Josh O’Connor.

De Harry Wootliff. Avec Josh O’Connor, Laia Costa, Lisa McGrillis. 1h59. Sortie: 14/08. ***(*)

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