Les studios de la Victorine à Nice, le « Hollywood européen » à la recherche d’une nouvelle vie

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FocusVif.be Rédaction en ligne

Ils ont accueilli Alfred Hitchcock, Otto Preminger ou Pablo Picasso: à Nice, les studios de cinéma de la Victorine ont été les plus grands d’Europe, mais vivotent depuis les années 2000. Leur centenaire est l’occasion pour la ville de tenter de les relancer.

Pour les cinéphiles, la Victorine, le « Hollywood européen » selon une brochure de 1927, est presque un passage obligé. Des souvenirs de films les attendent, la fameuse grue utilisée pour les mouvements panoramiques dans « La Nuit Américaine » (1973) de François Truffaut, la voiture de Mr Bean, ou d’autres accessoires témoins de l’ingéniosité des pionniers du cinéma.

Ce bassin vieilli avec la mer en toile de fond? Un effet spécial il y a 100 ans: « On pouvait prendre des vues sous-marines par des hublots, avec l’illusion d’avoir des bateaux sur la mer », explique le romancier Eric Garandeau, ancien patron du Centre national du cinéma (CNC), placé par la mairie à la tête du comité de relance des studios.

« Le site a été le premier dans les années 1920 à importer les méthodes d’Hollywood, avec le producteur américain Rex Ingram. On a tout tourné ici, des péplums, des films préhistoriques, etc. On a eu Picasso pendant six mois pour ‘Le mystère Picasso’ d’Henri-Georges Clouzot », vante M. Garandeau.

Monument du patrimoine cinématographique français, le site a accueilli le tournage de grands classiques du 7e art ou de succès du box-office, de Hitchcock à Joseph Losey, en passant par Otto Preminger, Nanni Moretti ou le dernier film de Laurel et Hardy.

« La Victorine reste un lieu bucolique et inspirant où l’on sent l’esprit des anciens. L’idée est de valoriser le passé et d’offrir des conditions modernes avec une insonorisation encore meilleure. On a un total de plus de 6.000 m2 de studios immédiatement utilisables », ajoute M. Garandeau.

Dans l’immédiat, la Victorine, portée en régie municipale depuis 2017, a dû casser les prix: « On a adopté une politique tarifaire attractive », indique la responsable des studios, Odile Chapel, une disciple de Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque française.

Les studios de la Victorine à Nice, le
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Prestige

« Tout le monde pense que la Victorine a été fermée mais ce n’est pas vrai », dit-elle. En revanche, « on s’est heurté à un lieu peu entretenu: il n’y avait même pas la fibre, ça vous donne une idée! ».

Les loges ont été refaites et les projets vont bon train: transformer et restaurer l’ancienne menuiserie, ajouter un plateau de 3.000 m2, installer de la post-production.

Le coût? « Quelques dizaines de millions d’euros », répond M. Garandeau. Une somme ni figée, ni financée: « La ville apporte le foncier. Il devrait y avoir un appel à projets, plusieurs types d’opérateurs peuvent se joindre ».

Pendant le festival de Cannes, Eric Garandeau a piloté des délégations sur site. « C’est prestigieux de tourner à la Victorine, c’est connu dans le monde entier », commente le producteur Frédéric Becquelin-Miler, basé en Andalousie. « Il y a un potentiel mais un problème de coûts », sur la main-d’oeuvre notamment.

La Victorine souffre aussi du bruit des avions avec l’aéroport à cinq minutes, des parkings insuffisants, d’une absence de backlot, une zone qui permet de tourner en décors naturels.

A vingt kilomètres de là, Cannes a aussi des projets, qui pourraient concurrencer la Victorine: la transformation en studios d’une friche ferroviaire de près de 6 hectares, avec un projet de maxi-plateau de 8.000 m2. « Il n’y a pas de +guéguerre+. On cherche à être complémentaires de toute la filière dans la région Sud-Est où les demandes de tournage augmentent », assure Karim Succar, candidat pour ce projet 100% privé.

Le maire de Nice Christian Estrosi est convaincu que « la Victorine peut être, en France, le premier studio à condition de savoir nouer des alliances ».

« Ca permet d’avoir une aura politique positive mais il y a une réalité économique. Des studios à Martigues, Cannes et Nice, est-ce qu’on n’est pas dans une surenchère d’investissements? », s’interroge une source proche du dossier. « Les grosses productions viennent pour trois raisons: le coût, les décors et le savoir-faire. Est-ce qu’on vient dépenser de l’argent parce qu’il y a la grue de +La Nuit Américaine+, qui empêche d’ailleurs les camions de faire des demi-tours ?! ».

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