Les jardins secrets d’Alan Rickman

Alan Rickman dans Les Jardins du Roi © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Plus de quinze ans après The Winter Guest, Alan Rickman retrouve ses habits de réalisateur, et s’invite à la Cour de Louis XIV pour Les Jardins du Roi

Si sa carrière au cinéma court sur plus de 30 ans désormais, Alan Rickman restera à jamais, aux yeux du grand public, le professeur Severus Rogue, rôle tenu avec superbe et une délectable ambiguïté tout au long de la saga Harry Potter. De quoi éclipser quelque peu un parcours des plus appréciables, ayant conduit cet acteur shakespearien de Die Hard à Sweeney Todd, avec des détours devant les caméras de Ang Lee (Sense and Sensibility), Mike Newell (An Awfully Big Adventure), Neil Jordan (Michael Collins), Tom Tykwer (Perfume: The Story of a Murderer) ou Dean Parisot (Galaxy Quest).

Incidemment, son emploi à l’Ecole des sorciers a aussi mis en veilleuse ses ambitions de réalisateur, révélées en 1997 par The Winter Guest, un premier film sensible qui réunissait Emma Thompson et sa mère, Phyllida Law, dans la pâleur d’un hiver écossais. « Il faut disposer de un an à un an et demi pour réaliser un film, soupèse-t-il de sa voix de baryton, alors qu’on le rencontre dans le cadre du festival de Marrakech, dont il est l’un des jurés. Et cela ne m’est pas arrivé pendant longtemps, puisque j’étais requis par la production de Harry Potter sept semaines par an. Quand j’ai signé, il n’y avait encore que trois tomes d’écrits, je ne pouvais pas savoir… » Un constat énoncé avec le sourire, toutefois. Car si Rogue l’a accaparé pendant tout ce temps, Rickman ne songerait pas à s’en plaindre, qui évoque tout à la fois « la ligne narrative complexe » du personnage, et l’ampleur inusitée de la production: « Le tournage de ces films ressemblait à la conduite d’une armée en campagne; c’était une entreprise immense, le défi consistant à la rendre humaine également. Et puis, il était fascinant d’observer ces trois enfants grandir, année après année. » Une aventure peu banale qui ne l’aura du reste pas empêché de se multiplier par ailleurs, sur les planches en particulier: les spectateurs du West End puis de Broadway ont ainsi pu l’apprécier dans Private Lives, de Noel Coward, et il a également monté My Name Is Rachel Corrie, au Royal Court, et Creditors, d’après Strindberg, au Donmar Warehouse. Et l’on ne parle même pas de ses diverses apparitions à l’écran. « J’ai donc été fort occupé, mais faire un film était matériellement impossible. »

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A Little Chaos

A peine libéré de ses obligations « potteriennes », Alan Rickman s’est donc repiqué au jeu de la réalisation, fort aussi de l’expérience acquise sur les plateaux: « Ang Lee, à l’époque où j’ai travaillé avec lui, n’avait qu’une maîtrise assez approximative de l’anglais. Et il a eu quelques réflexions restées célèbres à l’égard des acteurs. Après une prise, il avait dit à Emma (Thompson): « Emma, try not to look so old. » (rires) Il parlait en fait de conscience de soi. Kate (Winslet) n’avait que 19 ans à l’époque, et elle a eu droit, après l’une de ses premières prises, à: « Nevermind, you’ll get better. » Quant à moi, il m’a servi: « Alan, be more subtle, do more. » Ce qui signifiait: « Do more of the subtle work. » Blague à part, ce que j’ai appris de Ang Lee, Tim Burton, Alfonso Cuaron et d’autres réalisateurs, c’est qu’il faut toujours en faire moins, en particulier si l’on vient du théâtre. Il convient d’être habité, et non démonstratif. Le spectateur peut vous voir penser. Il importe donc moins d’agir que de penser et d’écouter. Ce sont des éléments cruciaux à mes yeux, aussi bien comme acteur que comme réalisateur. »

Précepte mis à l’oeuvre dans The King’s Garden, qu’il met en scène en plus d’y incarner Louis XIV -une figure historique venant s’ajouter aux Raspoutine et autre Ronald Reagan dans sa filmographie. « Je fonctionne à l’instinct, souligne Rickman. Les Jardins du Roi était un film fort différent de The Winter Guest, avec d’immenses défis, comme tourner des scènes avec 80 figurants et diverses contraintes techniques. J’ai appris l’importance de la préproduction: nous avons eu une longue période de préparation, parce que nous savions que nous ne disposerions que de huit semaines de tournage, un planning très serré. Mais si tout est compliqué alentour, en son coeur, il s’agit d’une simple histoire d’amour. » Kate Winslet et Matthias Schoenaerts –« un acteur formidable, que j’avais apprécié comme tout le monde dans De rouille et d’os« –, qui en tiennent les rôles principaux, s’y livrent d’ailleurs corps et âme, et ce drame romantique classique entrechoque à leur suite raison et sentiments. Conforme en cela à son titre original, A Little Chaos

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