Critique

[Le film de la semaine] The Third Murder, fascinant et singulier

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

THRILLER | Changement de cap pour Hirokazu Kore-eda, qui signe avec The Third Murder un thriller philosophique de haut vol, questionnant la notion de vérité.

On ne présente plus Hirokazu Kore-eda, le réalisateur de Nobody Knows et l’une des figures de proue du cinéma japonais contemporain aux côtés des Naomi Kawase et autre Kiyoshi Kurosawa. Mais alors qu’il semblait, depuis Still Walking, s’être spécialisé dans les drames familiaux feutrés, s’imposant comme un orfèvre en la matière dans les bien nommés Like Father, Like Son ou Our Little Sister, The Third Murder traduit une évolution sensible dans son art, puisque le cinéaste s’y essaie au thriller philosophique.

[Le film de la semaine] The Third Murder, fascinant et singulier

L’histoire débute lorsque Shigemori (Masaharu Fukuyama , vedette de la chanson nippone, figurant déjà au générique de Like Father, Like Son), un avocat en vue, accepte d’assurer la défense de Misumi (Koji Yakusho, apprécié notamment chez Kiyoshi Kurosawa, Shohei Imamura ou Takashi Miike), un récidiviste, condamné pour un double meurtre 30 ans plus tôt, et accusé cette fois d’avoir tué son patron aux fins de le dépouiller. L’affaire ne s’annonce pas sous les auspices les plus favorables -euphémisme-, le suspect ayant déjà avoué l’homicide, au risque d’encourir la peine capitale. S’interrogeant sur ses motivations, Shigemori décide de reprendre l’enquête, espérant obtenir une requalification du délit. Et la star du barreau de voir ses maigres certitudes s’estomper à mesure qu’il recueille des témoignages, remuant le passé et rouvrant des plaies intimes pour s’enfoncer toujours plus avant dans les méandres d’une affaire moins simple, à l’évidence, qu’il n’y paraissait…

Enjeux éthiques et moraux

The Third Murder est un film aussi fascinant que singulier, un thriller qui, plutôt que tendre vers une hypothétique résolution, semble devoir toujours gagner en opacité mais aussi en ampleur. S’il conduit l’intrigue policière avec doigté, ménageant le suspense jusque dans la salle d’un procès sous tension, ce sont plus encore les questionnements philosophiques comme les enjeux éthiques et moraux la sous-tendant qui semblent intéresser Kore-eda. Lequel, portant un regard acéré sur les arcanes du système judiciaire japonais, livre une réflexion aiguisée sur les notions de vérité et de justice, l’une peut-être pas toujours bonne à dire, et l’autre, relative. Perspective embrassée avec la rigueur dictée par le contexte mais aussi une appréciable maestria, le réalisateur baladant le spectateur, subjugué, au gré d’une mise en scène en forme de jeu d’ombres et de miroirs, manière idoine de suggérer une vérité en trompe-l’oeil. Au-delà du changement de cap que semble vouloir imprimer l’auteur à son parcours (à vérifier éventuellement dans son prochain Shoplifters, autour d’une famille de délinquants accueillant une petite fille), un grand film, tout simplement.

De Hirokazu Kore-eda. Avec Masaharu Fukuyama, Koji Yakusho, Suzu Hirose. 2 h 04. Sortie: 11/04. ****

>> Lire notre interview de Hirokazu Kore-eda

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