Critique

[le film de la semaine] The Father, d’une bouleversante et universelle acuité

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Adaptant sa pièce à succès en anglais, Florian Zeller livre un film bouleversant sur les ravages de la vieillesse, avec un magistral Anthony Hopkins.

Créée en 2012 par Robert Hirsch au théâtre Hébertot, à Paris, la pièce Le Père, de Florian Zeller, a eu un retentissement considérable, étant jouée avec un succès jamais démenti dans plus de 40 pays à travers le monde. Neuf ans plus tard, The Father, le film qu’en a tiré l’auteur avec la complicité du scénariste Christopher Hampton, semble appelé à suivre le même chemin, boosté, si besoin en était, par les deux Oscars remportés en avril dernier: ceux du meilleur scénario pour l’auteur, et du meilleur acteur pour Anthony Hopkins. L’acteur britannique trouve là l’un de ses plus grands rôles il est vrai, évoluant sans filtre pour libérer une fragilité insoupçonnée dans la peau d’Anthony, un homme de 81 ans inexorablement rattrapé par la vieillesse. Et que sa fille Anne (Olivia Colman) tente d’accompagner alors que, insensiblement, il perd pied, sa réalité se dérobant pour ne laisser place qu’à un abîme de questions sans réponses.

Labyrinthe mental

Comment traduire à l’écran les affres du vieillissement? Cette question que d’autres se sont posée avant lui -voir le déchirant Amour de Michael Haneke-, Florian Zeller l’appréhende de manière originale, The Father se présentant comme un puzzle mental invitant à partager le voyage intérieur de son personnage central. Et le film d’adopter ses humeurs changeantes, expérience immersive s’ouvrant sur ses assauts de mauvaise foi, alors que le regard vif et le verbe aiguisé, il couvre d’anathèmes une infirmière à domicile ayant démissionné après qu’il l’avait accusée, à tort, de lui avoir dérobé sa montre; basculant ensuite avec lui dans la confusion, alors que sa mémoire lui joue des tours, l’horizon se muant en labyrinthe inextricable. Situation à laquelle sa fille, présence aimante et dévouée mais démunie (la non moins excellente Olivia Colman), s’épuise à tenter de remédier.

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Empruntant la forme d’un huis clos claustrophobique, The Father se joue toutefois avec brio de l’écueil du théâtre filmé. Le dispositif immersif imaginé par Florian Zeller n’y est bien sûr pas étranger qui, s’il est déstabilisant par endroits, baladant un spectateur lui aussi en quête de sens, s’avère plus encore pertinent, donnant à éprouver les sensations et les sentiments d’un individu confronté à la démence sénile. État que prolonge intelligemment la mise en scène avec, notamment, un usage magistral de son décor unique auquel elle confère une altérité familière. Le réalisateur s’autorise encore une certaine légèreté, son film n’étant pas sans avoir, par moments, un petit côté Un jour sans fin. Pour autant, la gravité du sujet ne s’en trouve pas atténuée, et cette chronique sensible d’un naufrage intime trouve des accents d’une bouleversante et universelle acuité.

The Father

Drame. De Florian Zeller. Avec Anthony Hopkins, Olivia Colman, Imogen Poots. 1h37. Sortie: le 16/06. ****

On lira l’interview de Florian Zeller dans Le Vif de la semaine prochaine.

[le film de la semaine] The Father, d'une bouleversante et universelle acuité

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