Critique

Le film de la semaine: Nightcrawler, maître thriller au goût de cendre

Jake Gyllenhaal dans Nightcrawler (Night Call en VF) © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

THRILLER | Dan Gilroy signe un premier film magistral, thriller s’enfonçant dans la nuit de Los Angeles à la suite de Lou Bloom, un cameraman sans scrupules traquant des images choc à fourguer aux stations de télévision locales. Affolant…

Des premiers films comme Nightcrawler, on n’en voit que fort rarement. S’il fallait circonscrire l’impression d’ensemble, on évoquerait, pour faire court, la scène d’ouverture de Drive pour la montée d’adrénaline, combinée à The Hurt Locker, pour le côté addictif, le tout baignant dans une ambiguïté comme le cinéma hollywoodien s’en défie généralement. C’est dire si, pour son coup d’essai, Dan Gilroy a réussi un coup de maître, signant un thriller magistral s’aventurant dans les méandres de la nature humaine en même temps qu’il s’enfonce dans la nuit angelinoise. Du grand art, par un réalisateur débutant qui n’est pas pour autant un inconnu, puisqu’il fut, auparavant, le scénariste de The Bourne Legacy, mis en scène par son frère Tony, mais encore de Real Steel ou, il y a bien longtemps déjà, du Chasers de Dennis Hopper.

Nightcrawler gravite autour de la figure de Lou Bloom (Jake Gyllenhaal), individu évoluant à la marge d’un environnement carnassier, mais n’ayant pas pour autant l’intention de se laisser dévorer. Et qui, pour se frayer sa place au soleil de L.A., va se lancer, armé d’une caméra, dans la course au scoop, se branchant sur les fréquences radio de la police pour ensuite traquer à toute blinde les faits divers sanglants -meurtres, accidents, incendies…- dans l’espoir d’en revendre les images aux stations de télévision locales. Une pratique sous haute tension pour laquelle le gaillard montre de stupéfiantes dispositions, le manque de scrupules n’étant pas la moindre. Jusqu’à bientôt devenir le pourvoyeur attitré de la chaîne KWLA avec la bénédiction de Nina Romina (Rene Russo), directrice de l’info ne témoignant guère plus d’éthique que d’états d’âme dans la course à l’audimat, et prête à tout et plus encore pour répondre aux attentes d’un public avide de sensationnalisme. Et Lou de poursuivre son ascension irrésistible dans un business aussi trash que juteux, dût-il pour cela flirter avec les limites de la légalité…

Le négatif du rêve américain

Dans le genre polar d’un noir d’encre, Nightcrawler se pose un peu là, dont le scénario évoque quelque négatif du rêve américain, poursuivi ici à l’abri de toute morale et à grand renfort de cynisme. Avec Lou Bloom, sorte de paparazzi des temps présents, courant après le sordide plutôt que le glamour, et prêt à tout pour être le roi, fût-ce celui (de la presse) du caniveau, Dan Gilroy tend aussi le miroir d’un monde dont il n’est jamais que le produit, se gardant d’ailleurs de le juger pour le laisser évoluer en toute ambiguïté. C’est dans ce flou que réside pour partie la force du film, Jake Gyllenhaal, qui en est par ailleurs le producteur, se montrant tout simplement génial sous les traits d’un Bloom qu’il habite avec une intensité n’étant pas sans évoquer celle du Al Pacino des grands jours. Gilroy lui aménage un écrin sur mesure, signant, au départ d’un scénario malin, un film haletant et vénéneux au point d’évoquer le meilleur Fincher, la photographie de Robert Elswit (collaborateur régulier de P.T. Anderson) donnant à cette équipée nocturne des contours d’une inquiétante beauté. Soit, en tout état de cause, un maître thriller au goût de cendre prononcé…

  • DE DAN GILROY. AVEC JAKE GYLLENHAAL, RENE RUSSO, BILL PAXTON. 1H57. SORTIE: 05/11.
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