Critique

[Le film de la semaine] Manchester by the Sea, de Kenneth Lonergan

Kyle Chandler et Casey Affleck dans Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

MÉLODRAME | Kenneth Lonergan signe un somptueux mélodrame familial, dispensant une profonde émotion dans le sillage d’un formidable Casey Affleck.

Kenneth Lonergan est ce qu’il convient d’appeler un cinéaste rare: trois films à peine en une bonne quinzaine d’années d’un parcours entamé avec le siècle sur le sensible You Can Count on Me avant de se fracasser, cinq ans plus tard, sur Margaret, objet de litiges entre l’auteur et la Fox, qui ne consentira à le sortir aux États-Unis que six ans après, amputé d’une heure encore bien.

Survenant après cet épisode douloureux, la découverte, aujourd’hui, de Manchester by the Sea, le troisième long métrage du réalisateur new-yorkais, tient autant de l’heureuse surprise que du cadeau inespéré. Lonergan en situe l’action dans une petite ville portuaire de la Nouvelle-Angleterre, Manchester, d’où est originaire Lee Chandler (Casey Affleck). Homme à tout faire dans un immeuble de Boston, ce dernier a le regard las de ceux qui ne sont plus tout à fait là, errant à la surface d’une existence atone à laquelle vient l’arracher un coup de téléphone lui apprenant la mort de son frère aîné Joe (Kyle Chandler). Et Lee de prendre la route du retour, les échos d’un passé tragique l’ayant séparé de sa femme Randi (Michelle Williams), tout en le condamnant aux yeux de la petite communauté locale, affleurant bientôt pour irriguer un présent aux contours encore vagues. Et qui, aux retrouvailles avec son neveu, Patrick (Lucas Hedges) -son groupe de rock, ses deux petites amies ignorant tout l’une de l’autre et son effronterie adolescente- va superposer l’opprobre d’habitants guère enchantés de voir réapparaître « Lee Chandler, the very one… ». Une situation rendue inextricable par le testament du défunt, exprimant le souhait de voir Lee devenir le tuteur légal de son fils, et l’obligeant à faire face à une vie qu’il avait surtout veillé à laisser se dérober…

Cinéaste de l’intime

[Le film de la semaine] Manchester by the Sea, de Kenneth Lonergan

Avec ce film, Kenneth Lonergan se pose en maître cinéaste de l’intime, signant un mélodrame pudique pour s’insinuer, tout en nuances feutrées, au plus profond d’existences malmenées, et arpenter ces brisures que Casey Affleck, inouï, et Michelle Williams, fragile, incarnent de tout leur être. S’appuyant sur une architecture narrative subtile, le réalisateur réussit, sans jamais forcer le trait, à révéler les êtres dans toute leur densité et leur complexité, tout en nous les rendant chers. Mais si le drame, qui charrie son lot de culpabilité et de remords, est sans conteste déchirant, il en émane aussi une étrange douceur, alors que la vie impose ses droits par-delà les blessures qui jamais ne se refermeront. Et le film, comme soustrait au temps dans l’écrin lumineux des paysages de Nouvelle-Angleterre, d’imprimer sa marque, indélébile et de toute beauté, tandis que la musique de Haendel et le bruit des vagues se confondent, achevant de donner à ce drame de l’Amérique profonde une résonance universelle. Un chef-d’oeuvre.

DE KENNETH LONERGAN. AVEC CASEY AFFLECK, MICHELLE WILLIAMS, KYLE CHANDLER. 2H17. SORTIE: 25/01. *****

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