Critique

[Le film de la semaine] Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait: l’art d’aimer

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Emmanuel Mouret sonde les multiples facettes du sentiment amoureux dans un marivaudage contemporain où les récits s’enchâssent avec bonheur.

La Rochefoucauld avait coutume de dire qu’il existe des gens qui n’auraient sans doute jamais songé à tomber amoureux s’ils n’avaient pas entendu parler de l’amour. Chez Emmanuel Mouret (Changement d’adresse, Un baiser, s’il vous plaît!), on en parle tellement qu’on ne songe qu’à ça. Pour son dixième long métrage en 20 ans, le natif de Marseille remet sur le métier ses sempiternelles obsessions d’auteur avec une inspiration toujours renouvelée. Porteur du label de la sélection officielle d’un Cannes 2020 resté fantôme, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait s’articule autour du personnage de Daphné (Camélia Jordana), jeune femme enceinte de trois mois partie en vacances à la campagne avec son compagnon François (Vincent Macaigne). Ce dernier doit s’absenter quelques jours pour son travail et Daphné se retrouve alors seule afin d’accueillir Maxime (Niels Schneider), un cousin de François qu’elle n’a encore jamais rencontré. Ensemble, ils se baladent, visitent la région, apprennent à se connaître, et leurs échanges les amènent bientôt sur un terrain de plus en plus personnel. S’enclenche ainsi un savoureux engrenage de confidences très intimes où leurs récits finissent par s’emboîter les uns dans les autres. Comme des amants.

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Raison et sentiments

« En amour, quelle est la règle?« , s’interroge Niels Schneider, en faux ingénu, au coeur du film. La beauté de la chose tient sans doute à ce qu’il n’y en a pas, semble vouloir lui répondre Emmanuel Mouret. Car pour ses protagonistes, choisir, ce n’est jamais renoncer. Suspendus à leurs lèvres, les mots, qui peuvent blesser durement autant qu’ils peuvent guérir, redessinent des mondes, inventent des possibles qui s’ouvrent, se déploient, et s’incarnent parfois. Passion et raison. Fantasmes et regrets. Rencontres et ruptures. Hasards, coïncidences, quiproquos… Il y a du Marivaux et du Guitry, du Rohmer et du Woody Allen, chez Mouret. Devant sa caméra, la circulation du désir et la circulation des mots semblent, au fond, n’être qu’une seule et même chose. Et le film d’évoquer la figure d’un vaste réseau de corps et d’idées où le plaisir qu’il y a à se raconter est semblable à celui qu’il y a à se perdre dans un grand labyrinthe. « Les souvenirs sont des impasses que sans cesse on ressasse« , comme se plaît à le chanter Benjamin Biolay. Sauf que chez Mouret, il n’y a pas d’impasse: tout finit par faire tremplin, chaque cicatrice promet un nouveau départ.

Dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, la confusion des sentiments est une fête. Ou presque. Ses dialogues très littéraires, quasiment anachroniques mais assumés comme tels, en sont une en tout cas. Pour un résultat sensible, raffiné, éminemment intelligent, mais pas moins vivant pour autant. Même si le cachet « cinéma d’auteur intello à la française » de l’objet ne manquera sans doute pas d’en faire ricaner certains. Eh bien tant pis pour ceux-là… On ne badine pas avec l’amour.

D’Emmanuel Mouret. Avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne. 2h02. Sortie: 16/09. ****

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