Critique

Le film de la semaine: Le Fils de Saul, chef-d’oeuvre sur la Shoah

Géza Rohrig dans Le Fils de Saul de Laszlo Nemes. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME HISTORIQUE | Laszlo Nemes défie l’impossible en grand cinéaste, dans un Fils de Saul tenant du tour de force et du chef-d’oeuvre. Grand Prix au dernier festival de Cannes.

A la place de l’eau, c’est du gaz Zyklon qui descend du plafond sur les hommes, femmes et enfants que la soldatesque allemande a poussé dans la pièce nus, sans défense, sans la moindre chance de survie. La machine génocidaire est en marche. Jour et nuit, les convois ferroviaires débarquent dans le camp d’extermination des milliers de Juifs condamnés par leur seule naissance, leur appartenance au peuple haï, qu’il faut annihiler. Le travail demande des concepteurs, des exécuteurs, mais aussi des esclaves qui vont ranger les effets des morts, ramasser leurs cadavres dans les chambres à gaz et nettoyer ces dernières des vomissures et déjections laissées par les victimes. Alimenter les fours crématoires, aussi. Quand ces derniers ne sont pas surpeuplés, amenant alors les bourreaux à poursuivre le massacre à coups de pistolet, au bord des fosses communes… Ces esclaves portent un nom: sonderkommandos. Issus des rangs des déportés, ils font le « ménage » quelques semaines durant, avant d’être à leur tour mis à mort et remplacés par d’autres.

Juste distance

Le personnage central du film de Laszlo Nemes fait partie d’un sonderkommando. Un jour, il dit reconnaître son fils parmi les gazés. L’enfant, miraculeusement, respire encore. Mais un médecin nazi l’achèvera, sous les yeux de Saul qui n’a plus qu’un seul but, tournant à l’obsession: s’emparer du cadavre pour l’enterrer dignement… Durant presque tout le film, la caméra restera extrêmement proche de ce mort en sursis, prêt à tout pour offrir une sépulture à un gamin dont certains éléments font douter qu’il soit vraiment son enfant. Nemes fait du plan séquence en constant mouvement et de l’objectif à longue focale chevillé au héros deux atouts décisifs pour nous emmener au coeur de la terreur nazie. Ce sont aussi les outils qui lui permettent de filmer l’infilmable, le carnage apparaissant en bord de cadre ou hors-cadre, et dans le flou puisque le point est fait sur Saul, et que les focales choisies abolissent quasi toute profondeur de champ, créant une image éminemment claustrophobe… Premier long métrage d’un réalisateur hongrois de 38 ans aussi surdoué qu’audacieux (lire son interview dans le Focus du 23 octobre), c’est un chef-d’oeuvre qui s’offre à nous. Le jury du Festival de Cannes lui a donné son Grand Prix. Il aurait pu en faire sa Palme d’or… On notera en complément qu’est projeté à Flagey un remarquable documentaire de Giovanni Cioni intitulé Dal ritorno et où se livre un ex-sonderkommando survivant du camp de Mauthausen.

DE LASZLO NEMES. AVEC GÉZA RÖHRIG, LEVENTE MOLNAR, URS RECHN. 1H47. SORTIE: 28/10.

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