Critique

[Le film de la semaine] La Fille inconnue, des frères Dardenne

Adèle Haenel dans La Fille inconne des frères Dardenne © Christine Plenus
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Une enquête policière se doublant d’une quête morale dont les multiples enjeux se déploient au gré d’un scénario millimétré.

La réussite d’un film tient parfois à peu de choses. Huit petites minutes, par exemple, soit le temps cumulé des coupes effectuées par les frères Dardenne dans La Fille inconnue par rapport au montage découvert à Cannes en mai dernier. Pratiquement indécelable, l’opération de décantation a pourtant agi en profondeur, resserrant le rythme comme les enjeux d’une oeuvre qui en ressort plus aboutie, plus forte également. Comme souvent chez les réalisateurs de Rosetta, le moteur du récit est une femme. A savoir Jenny Davin (Adèle Haenel), jeune médecin généraliste dévouée à ses patients et à son métier au point d’y sacrifier son existence. Un soir pourtant que l’on sonne à son cabinet bien après la fin des heures de consultation, elle refuse d’ouvrir, intimant à Julien (Olivier Bonnaud), son stagiaire, de ne pas broncher. Le lendemain, des inspecteurs lui apprennent que la jeune femme anonyme qui s’était présentée à sa porte a été découverte morte, en bord de Meuse, à deux pas de là. Rongée par la culpabilité, Jenny va remuer ciel et terre pour trouver l’identité de la défunte, le secret médical lui tenant lieu d’instrument pour libérer la parole…

Comme dans L’Enfant en son temps, le cinéma des frères Dardenne s’ouvre au genre, et La Fille inconnue peut se lire comme une enquête policière se doublant d’une quête morale dont les multiples enjeux se déploient au gré d’un scénario millimétré. Nouvelle venue dans leur univers, Adèle Haenel apparaît comme l’incarnation idéale de cette double dynamique, mélange d’écoute attentive et de détermination énergique et farouche, arrimée à une volonté d’« être plus forte que ses émotions« malmenée par les faits. A sa suite, et par-delà le drame qui l’accapare, le film, forcément politique, prend en creux le pouls d’une époque déclinant la précarité sur tous les modes. Il y a du reste quelque chose de la Marion Cotillard de Deux jours, une nuit dans sa démarche, et l’univers est on ne peut plus familier où l’on croise encore Fabrizio Rongione, Olivier Gourmet et Jérémie Renier. Assurément dans leur élément, Jean-Pierre et Luc Dardenne, à défaut peut-être de surprendre, n’en finissent plus de polir leur cinéma, pour livrer, avec La Fille inconnue, un film lucide et généreux, vibrant d’une urgence toute viscérale. A voir.

DE JEAN-PIERRE ET LUC DARDENNE. AVEC ADÈLE HAENEL, OLIVIER BONNAUD, LOUKA MINNELLA. 1H46. SORTIE: 05/10. ****

>> Lire également notre interview des frères Dardenne et d’Adèle Haenel

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