Critique

Le film de la semaine: Journey to the Shore, de Kiyoshi Kurosawa

Journey to the Shore © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME FANTASTIQUE | La mort épouse le vivant de fascinante manière dans le nouvel opus d’un Kiyoshi Kurosawa désormais serein.

« Les morts ne le sont que légèrement… » La phrase de Jean Epstein, réalisateur d’un admirable La Chute de la Maison Usher (1928) d’après Edgar Poe, pourrait être placée en exergue du nouveau film de Kiyoshi Kurosawa. Mizuki, une jeune veuve, y rentre un soir chez elle pour y trouver… son mari décédé. Yusuke s’est noyé dans la mer voici trois ans déjà, mais sa soudaine présence, si elle la fait d’abord sursauter, ne semble pas tellement la surprendre. Très vite, elle demande au fantôme, qui a omis de le faire, d’avoir l’amabilité d’enlever ses chaussures comme tout Japonais en a l’habitude à l’intérieur d’une maison ou d’un appartement!

L’ouverture de Journey to the Shore est donc à la fois singulière et banale. Elle installe le fantastique dans le quotidien (ou le quotidien dans le fantastique) avec une fluide élégance dont le film ne se départira point. Et c’est comme tout naturellement que Mizuki acceptera la proposition que lui fait Yusuke: partir ensemble pour un voyage remontant son parcours de « mort vivant » ayant séjourné chez un livreur de journaux, chez un couple de restaurateurs… Un parcours géographique, un parcours humain aussi et surtout, comme une invitation à regarder de plus près l’incertaine réalité d’un pays où l’on pourrait donc être et avoir été.

Métamorphose

Les mystères de Journey to the Shore se distillent sans bruit, sans ce panache et ce goût du thriller existentiel féroce qui marquèrent les premiers films du cinéaste japonais, tels Cure, Charisma ou Retribution. La méthode et même l’approche du fan de Peckinpah et Siegel ont beaucoup changé depuis qu’il décrivit dans Pulse (2001) une invasion de… fantômes, utilisant Internet pour infiltrer le monde des vivants. Kiyoshi Kurosawa met désormais du Ozu dans son saké, il joue toujours l’étrangeté mais d’une manière sereine, apaisée, qui ne manquera pas de heurter ses fans de la première heure, comme l’a montré l’assez violent débat critique suite à la projection de son nouveau film au festival de Cannes. Mais quelle utilité à regretter sans fin les fulgurances passées d’un auteur toujours aussi libre, et dont l’évolution intérieure le pousse désormais vers un style et une pensée tendant vers l’épure? Vers une bienveillance, aussi, dans son regard sur les gens. Avec à la clé une émotion profonde que Journey to the Shore offre en beau, en généreux partage.

DE KIYOSHI KUROSAWA. AVEC TADANOBU ASANO, ERI FUKATSU, MASAO KOMATSU. 2H08. SORTIE: 30/09.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content