Critique

[Le film de la semaine] Ce magnifique gâteau!, une puissante expérience de cinéma

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

ANIMATION | Signée par un duo gantois, la satire féroce d’une Belgique coloniale décadente servie par une sidérante animation en stop motion à base de textiles.

C’était l’ovni belge du dernier grand raout cannois: à la surprise générale, à commencer par celle des premiers concernés, le tandem de réalisateurs gantois Emma De Swaef et Marc James Roels, Ce magnifique gâteau!, anthologie animée au format de moyen métrage a priori mal-aimé en festival, avait été choisi pour célébrer les 50 ans de la très exigeante section de la Quinzaine des Réalisateurs. Pour autant, le duo ne vient pas de nulle part. En 2012, leur Oh Willy…(1), court muet à la dimension quasi cosmique, est ainsi rapidement devenu une véritable bête de festivals, ramassant les récompenses par dizaines. Fascinant par bien des aspects, le film, tout en étoffes animées image par image et prenant place dans une communauté de naturistes, déroulait un programme très haut perché, résolument hors normes.

[Le film de la semaine] Ce magnifique gâteau!, une puissante expérience de cinéma

Celui proposé aujourd’hui par Ce magnifique gâteau! ne l’est pas moins. Privilégiant toujours des décors en coton et tissus ainsi que des figurines en laine au visage de feutre animées en stop motion, cette farce sombre et cruelle fragmentée en cinq actes inscrit une galerie inconfortable de portraits azimutés dans l’Afrique coloniale de la fin du XIXe siècle: roi tourmenté et incontinent, pygmée transformé en cendrier vivant dans un grand hôtel, homme d’affaires à la manque en expédition, porteur miraculeusement sauvé des eaux et déserteur ayant tourné le dos à la prison.

Zinzins au Congo

« Je ne veux pas laisser échapper une bonne occasion de nous procurer une part de ce magnifique gâteau africain!« , écrivait cyniquement Léopold II à la veille de la colonisation du Congo. Inspirés par leurs visites au Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, Emma De Swaef et Marc James Roels le prennent au mot, armés d’une solide dose d’ironie mordante. En création constante, le duo fonctionne de manière très organique et artisanale, apportant un soin maniaque à chacun des détails qui composent cet objet insolite à l’ambition technique, mais aussi émotionnelle, proprement hallucinante. Pas de narration continue ni de réelle étude de caractères ici, mais un goût prononcé pour une logique de tableaux, images fortes à l’humour féroce teinté de profonde mélancolie. Faut-il en rire ou faut-il en pleurer? Le ton unique, déroutant, du film laisse le spectateur à la complexité de son ressenti, ne sachant pour ainsi dire jamais sur quel pied danser. De quoi faire de Ce magnifique gâteau! une vraie, une puissante expérience de cinéma, splendeur visuelle à l’ambivalence littéralement hantée par cette immense obsession latente: la folie sans borne des hommes. Avec Ce magnifique gâteau!, le cinéma flamand a encore frappé un grand coup!

(1) Foncez voir cette merveille, en libre accès sur Vimeo.

D’Emma De Swaef et Marc James Roels. 44 minutes. Sortie: 19/12. ****(*)

La projection de Ce magnifique gâteau! dans les salles s’accompagne de celle du court métrage animé belge Bloeistraat 11 de Nienke Deutz, primé au dernier festival d’Annecy.

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