[Le film de la semaine] Baccalauréat, de Cristian Mungiu: la fin et les moyens
DRAME | Avec Baccalauréat, Cristian Mungiu inscrit dans la réalité roumaine un conte moral à la résonance universelle. Un modèle d’intelligence et de maîtrise.
Révélé en 2007 par Quatre mois, trois jours et deux nuits, Palme d’or indiscutable au festival de Cannes, Cristian Mungiu (lire son interview) n’a cessé, tout au long de sa filmographie, de passer la société roumaine au crible d’un regard critique assorti d’une dimension morale. Il n’en va pas autrement aujourd’hui de Baccalauréat, son quatrième long métrage, un film s’inscrivant dans la continuité de l’oeuvre, et qui lui a valu un Prix de la mise en scène largement mérité en mai dernier sur la Croisette.
Au coeur du film, on trouve Romeo Aldea (Adrian Titieni), médecin dans une petite ville de Transylvanie, un homme respecté ayant tout mis en oeuvre pour voir se réaliser son voeu le plus cher: que sa fille Eliza (Maria Dragus) soit acceptée dans une université britannique. Les notes de la jeune fille ne laissent guère planer de doute sur une issue favorable, quand, en chemin pour l’épreuve du baccalauréat, elle se fait agresser, circonstances traumatisantes venues transformer ce qui ne devait être qu’une formalité en écueil en apparence insurmontable. Et son père, voyant le rêve d’une vie stupidement menacé, de bientôt transiger sur les principes, ceux-là mêmes qu’il avait inculqués à son enfant, tanguant de plus en plus dangereusement entre compromis et compromissions…
Un conte moral
Baccalauréat est de ces films dont les enjeux ne se révèlent que sur la distance. S’il y a là, en surface, le portrait d’une réalité roumaine où la corruption tiendrait lieu de système, l’ampleur de l’histoire s’étoffe à mesure que son protagoniste central, ce citoyen au-dessus de tout soupçon, s’empêtre dans ses contradictions. Posant limpidement la question de la fin et des moyens, du sacrifice des valeurs au résultat, des petits arrangements passés avec sa conscience, Mungiu dépeint un engrenage infernal, dont il assortit l’implacable noirceur d’une complexité humaine ne manquant pas d’impressionner.
S’il y a là, bien sûr, la vision blême d’une société sclérosée par l’héritage du passé, la portée du propos va bien au-delà du cas singulier du docteur Aldea et du cadre précaire de la Roumanie post-communiste, pour tendre bientôt à l’universalité. Cette résonance fait à la fois le prix et la force d’un film assurément peu banal, aussi sobre voire presque austère dans sa forme, qu’intelligent et passionnant dans sa construction. Soit, conduit de maîtresse façon par un réalisateur au sommet de son art, un conte moral profondément interpellant et tout simplement magistral.
DE CRISTIAN MUNGIU. AVEC ADRIAN TITIENI, MARIA DRAGUS, LIA BUGNAR. 2 H 07. SORTIE: 21/12. ****
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