Critique

[Le film de la semaine] Ash Is Purest White, de Jia Zhangke: sublime, épique, héroïque

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Cheviller l’intime et la fresque sociale. Jia Zhangke le réussit comme nul autre. Ash Is Purest White en est une nouvelle preuve éclatante.

[Le film de la semaine] Ash Is Purest White, de Jia Zhangke: sublime, épique, héroïque

Le film nous raconte, sur une période allant de 2001 à 2017, l’histoire de Qiao, petite amie d’un gangster prénommé Bin. Ayant saisi une arme et tiré pour protéger son homme qu’un gang rival attaquait, Qiao est envoyée en prison pour cinq ans. À sa sortie, c’est un monde changé qu’elle va découvrir tout en partant à la recherche de Bin… Jia Zhangke a confié le rôle principal de son film à son actrice fétiche et compagne dans la vie Zhao Tao. Laquelle signe une interprétation sublime, à la fois empreinte d’un réalisme parfois rude et de cette dimension épique, héroïque, dont son cinéaste de mari fait également son miel. Ash Is Purest White porte à incandescence un amour interrompu. Il chronique aussi, comme toujours chez le réalisateur de Still Life et A Touch of Sin, les changements à l’oeuvre dans la société chinoise. Le choix du milieu criminel pour cadre au récit n’est pas qu’un artifice permettant de se raccorder au cinéma de genre et de filmer cette violence que Jia veut exprimer tant elle est inhérente au pays, à ses yeux. Les gangsters font partie du Jiang hu, concept désignant quiconque évolue en marge de la société.

Les multiples tensions sur lesquelles s’appuie en permanence le cinéma du réalisateur de Platform et Au-delà des montagnes trouvent dans ce contexte une nouvelle vigueur. Celles entre tradition et modernité, paysages naturels et urbains, clan et famille, celles entre générations aussi et singulièrement, sont particulièrement à l’oeuvre dans ce nouveau film. Comme l’est la réflexion si bien articulée par Jia d’une irréconciliable divergence entre tout ce qui change autour de l’être humain et ce que ce dernier garde de permanent, d’inaltérable.

Ash Is Purest White porte la mélancolie de ce fort et déchirant constat, moteur de désillusion. Peut-être aussi en tire-t-il quelque secret élan romantique. Jia Zhangke y chemine en multipliant des expériences formelles jamais gratuites, participant toujours à sa recherche du point de vue le plus juste, de la plus honnête distance entre regard et sujet. Le sens aigu du temps qui passe, de la vie comme inéluctable défaite, est au coeur d’un film qui voyage d’un lieu à l’autre, d’une époque à l’autre, avec un naturel intense et une liberté confondante. Oeuvre-trajectoire, itinéraire cinématographique et humain résonant d’une acuité poignante, Ash Is Purest White confirme l’importance d’un cinéaste parmi les plus accomplis et les plus pertinents de notre époque troublée. Un auteur chez qui enjeux de forme et de fond se répondent en rimes inépuisables.

De Jia Zhangke. Avec Zhao Tao, Liao Fan, Feng Xiaogang. 2h15. Sortie: 06/03. ****(*)

>> Lire également notre interview de Jia Zhangke et notre panorama du cinéma chinois.

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