Le cinéma à la russe

Triste hasard du calendrier, les journées de la culture russe se déroulaient ce week-end et se clôturent ce lundi 29 mars alors que Moscou vient d’être touchée par de dramatiques événements.

Triste hasard du calendrier, les journées de la culture russe s’ouvrent chez nous aujourd’hui jusqu’au 27 mars alors que Moscou est touchée par de dramatiques événements…

Le week-end écoulé était celui des journées de la culture russe. L’occasion de découvrir les spécificités artistiques de ce pays. Coup d’oeil sur celui qui est parvenu le plus facilement jusqu’à nos frontières: le cinéma.

Dès ses débuts, ce pays a livré des cinéastes de renommée mondiale. Les Russes comptent encore aujourd’hui parmi les plus gros producteurs de films en Europe.

Historiquement parlant, le cinéma en Russie peut être divisé en trois grosses périodes. La première est celle qui est qualifiée de tsariste, qui débute en 1908 et se termine avec la Révolution et l’avènement du communisme en 1917. C’est en 1919 que commence réellement la période communiste avec dès le début des films subventionnés par l’état. Cette phase se déroulera jusqu’à la fin de l’URSS mais plusieurs courants se dégageront dont une réaction au communisme dans les années 50 à 80. Le cinéma de l’après-URSS est toujours qualifié d’auteur et peine à s’exporter largement. Pourtant, certains tenteront de créer des blockbusters qui trouveront chez nous un certain public.

La période tsariste

Elle est probablement la plus méconnue de toute. Elle a duré très peu de temps, étant donné que le premier film a être tourné en Russie a été Stenka Razine de Vladimir Romachkov. Il s’agit d’un court-métrage de cinq minutes évoquant un cosaque, populaire auprès de la population russe. L’oeuvre date de 1908 et rencontre un succès important. Aujourd’hui, ce petit film vaut surtout le détour pour son côté historique, puisque tout est minimaliste tant sur le fond que sur la forme (c’est composé de plans fixes uniquement). Le plus drôle reste de voir la curiosité que suscite la caméra auprès des acteurs, certains ne pouvant s’empêcher de la regarder en souriant.
Pour le reste, il est très difficile de se procurer des oeuvres de cette époque. Beaucoup ont été perdues par la mauvaise qualité du support, les copies nitrates. Seulement 10% des films auraient été conservés. Quelques films majeurs sont toutefois à signaler comme Anna Kanerine de Vladimir Gardine ou Le père Serge d’Yakov Protazanov.

La période soviétique

Elle est évidemment très marquée par le communisme. Dès le début, Lénine et par la suite Staline financent des films d’état. Parmi ces réalisateurs, un cinéaste majeur se dégage grâce à son ingéniosité et à ses prouesses techniques, Sergei M. Eisenstein. Il est sans conteste la figure de proue du cinéma muet soviétique mais d’autres ont marqué de leur emprunte cette époque. Parmi eux, il y a Dziga Vertov, Abram Room et Vsevolod Poudovkine pour les plus marquants. C’est aussi en Russie que la première école de cinéma au monde est créée en 1919 à Moscou.
Eisenstein n’est autre que le cinéaste qui s’est rendu célèbre avec Le cuirassé Potemkine et sa fameuse scène des escaliers d’Odessa. Certains cinéastes comme Terry Gilliam dans Brazil et Brian De Palma dans Les incorruptibles lui ont rendu hommage. Son montage est encore criant de modernité. C’est un cinéaste qui est parvenu parfois à se libérer de la pression du communisme pour certaines de ses oeuvres dont les relents propagandistes sont très présents.
Dziga Vertov propose un style tout à fait différent à ce que fait Eisenstein. Ce dernier est adepte du ciné-poing tandis que Vertov adopte la conception du « ciné-oeil ». La caméra est au centre du récit et l’oeuvre la plus représentative de ce genre est L’homme à la caméra.
Abram Room offrira un film très moderne dans sa conception avec Le fantôme qui ne revient pas. C’est l’histoire d’un homme qui s’évade d’une prison pour rejoindre les ouvriers et prendre la tête de la grève contre le système en place. C’est le seul point à qualifier de propagande communiste car pour le reste, l’oeuvre est très moderne, grâce à son montage qui est parfois clipesque pour mieux représenter la folie d’un événement dans la prison. MTV n’a décidément rien inventé… Pour le reste, certains passages rappellent Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone. Notre leader gréviste est poursuivi par un policier dans un désert, de la même manière que « Personne » ne l’était dans le western spaghetti. Le film de Room est un immanquable.
Serge Bondarchuk réalise durant cette période Guerre et Paix tandis que Poudovkine met en scène La mère.

Un souffle de liberté

Par la suite, le cinéma soviétique connait une crise dans les années 30 et 40. Beaucoup de films sont interdits par le NKVD, la police politique de l’URSS.

Après la mort de Staline en 1953, les cinéastes vont avoir petit à petit de plus en plus de liberté et laisser libre cours à leur génie artistique. La rivalité entre l’Est et l’Ouest est toujours là au début mais des cinéastes vont parvenir à émerger et offrir des thématiques plus universelles. Parmi eux, Mikhaïl Kalatozov avec Quand passent les cigognes en 1957. Là-aussi l’oeuvre est un incroyable mélange de génie formel et d’un scénario très riche. Kalatozov réalisera aussi une oeuvre intitulée Soy Cuba en 1964. Il s’agit d’une déclaration d’amour du cinéaste pour Cuba. Ce film est encore très marqué idéologiquement.
Un autre metteur en scène va émerger au début des années 60 jusqu’à sa mort le 28 décembre 1986. Il s’agit d’Andreï Tarkovski. Ce cinéaste propose des oeuvres mystiques où il’ s’interroge sur la place de l’homme sur la Terre, confronte spiritualité et science, s’inquiète des dangers du nucléaire et évoque la liberté que représente l’Ouest de l’époque. Stalker, réalisé en 1979, est probablement le film le plus caractéristique de sa carrière. Gros questionnement sur le monde, expérience à part, film lent, mysticisme, tout est présent. Le miroir et Le sacrifice sont du même acabit. Un homme qui ne cessera d’évoquer des craintes dans un cinéma très souvent rebutant pour le grand public. Mais l’aura de ce cinéaste est incroyable. Stalker montre une zone où l’être humain ne peut vivre et c’est à proximité d’une centrale nucléaire. Nous sommes en 1979 et Tchernobyl aura lieu sept années plus tard. Visionnaire le bonhomme? Un autre élément intriguant dans Stalker est bel et bien le long travelling effectué par le cinéaste sur une piscine. Dans l’eau, il y a divers objets. La caméra montre alors une date de calendrier qui n’est autre qu’un 28 décembre, date à laquelle le cinéaste mourra… De tous ses films, L’enfance d’Ivan est probablement le plus accessible.
Enfin, difficile de ne pas évoquer Elem Klimov, metteur en scène de Requiem pour un massacre. Ce film évoque les massacres des nazis lorsqu’ils se retiraient de Biélorussie. C’est aussi une oeuvre qui marque la fin de l’innocence pour un jeune enfant. L’influence de Tarkovski est palpable. Les scènes de combat sont réalistes (les tirs étaient parfois à balles réelles et pour une scène, une vache sera tuée). La fin est très dure psychologiquement et rappelle Le vieux fusil de Robert Enrico. Klimov signe un chef d’oeuvre du genre.

L’après-URSS

La Russie devient plus présente après la chute du communisme et se voit très souvent récompensée dans les festivals. Par exemple, Nikita Mikhalkov est récompensé du Lion d’Or à la Mostra de Venise pour Urga en 1991. Douze ans plus tard, Andreï Zviaguintsev connait le même destin avec Le retour, une oeuvre dont les influences de Tarkovski se font ressentir. Mais d’autres cinéastes parviennent à se faire un nom dans le cinéma d’auteur. Alexandre Sokourov d’une part qui est un metteur en scène dont les films sont souvent sélectionnés à Cannes. Il est l’auteur de L’arche russe, une oeuvre durant 1h30 et tournée en un seul plan-séquence… Une prouesse technique digne de La corde d’Alfred Hitchcock. Un autre cinéaste est régulièrement remarqué dans les festivals: Pavel Lounguine. Ce dernier est fortement influencé par la religion orthodoxe. Parmis les oeuvres les plus marquantes, il y a Un nouveau russe, qui parle de la transition de la perestroïka et de l’effondrement économique du pays, et L’île, l’histoire d’un moine qui vit isolé de son ordre.
Mais le cinéma russe a aussi la volonté de sortir de cette image qui lui colle à la peau. Timur Bekmambetov réalise Night Watch et Day Watch, deux blockbusters russes. Une voie que les producteurs semblent vouloir un peu plus emprunter puisque d’autres films de ce type sont prévus. Un cinéma qui est de toute façon rempli d’avenir…

Le cuirassé Potemkine, la séquence des escaliers

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Stalker, séquence de la piscine

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Requiem pour un massacre, séquence du massacre

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L’île, trailer

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L’arche russe, trailer

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Benoît Ronflette (Stg)

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