Kirk Douglas, acteur mais aussi producteur éclairé et engagé

Kirk Douglas, 1977. © Evening Standard/Hulton Archive/Getty Images
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

À ceux de la star, Kirk Douglas a su ajouter, avec sa société Bryna, les habits du producteur éclairé et engagé, l’homme derrière Paths of Glory et Spartacus.

Article initialement paru dans le Focus Vif du 2 juillet 2010, comme premier chapitre de notre série d’été sur les acteurs-producteurs.

Kirk Douglas avait joué, avec maestria, les producteurs cyniques dans The Bad and the Beautiful (Les Ensorcelés, de Vincente Minnelli); il sera, avec sa société Bryna (ainsi baptisée d’après le prénom de sa mère), le prototype du mentor éclairé et engagé, qualités n’excluant pas une mégalomanie légendaire et les fracas allant de pair. Au moment de se lancer dans l’aventure de la production, en 1955, Kirk Douglas est une authentique star, l’homme du Champion comme de 20.000 Leagues under the Sea, en passant par Ace in the Hole ou The Big Sky. Aspirant cependant à une plus grande liberté de choix, et désireux de s’affranchir un tant soit peu de l’emprise des studios, il compte parmi les premiers acteurs hollywoodiens à endosser les habits de producer, activité qu’il poursuivra 2 décennies durant.

« Je n’avais nullement l’ambition de devenir un magnat de l’industrie cinématographique », écrit-il dans son autobiographie, Le fils du chiffonnier, avant d’ajouter: « En créant ma propre société de production, c’était désormais moi qui avais le dernier mot. »

Bon sang ne saurait mentir

Ses premiers pas dans la profession sont convaincants, puisqu’il s’agit de The Indian Fighter, western de André De Toth où, non content de tenir le premier rôle, Douglas impose Elsa Martinelli. S’il ne peut ensuite produire, comme il le désirait, Lust for Life, la MGM en ayant déjà les droits, l’acteur y campe un mémorable Van Gogh, sous la direction de Minnelli, à nouveau. Son premier coup d’éclat comme producteur, l’ambitieux Douglas le signe un an plus tard lorsque, favorablement impressionné par The Killing, il décide de produire Paths of Glory de Stanley Kubrick, qui n’arrivait pas à en réunir le financement: « Je crois que ce film ne fera jamais un rond, mais il faut absolument le tourner », répond-il au réalisateur qui lui avait adressé le scénario, confirmant là tout autant son audace que son engagement -le film, désormais un classique, est aussi un manifeste viscéralement anti-militariste.

Les relations entre Douglas et Kubrick n’avaient pas toujours été au beau fixe, les 2 hommes se retrouveront néanmoins, 3 ans plus tard, en 1960, pour Spartacus, le producteur ayant pris soin de débarquer Anthony Mann du projet pour divergences de vues. Le rôle, et le film, sont emblématiques du parcours de Douglas, et de son goût pour les sujets difficiles autant que marqués à gauche. Courageux, du reste, au point d’imposer que le nom du scénariste « black listé » Dalton Trumbo figure au générique -ils retravailleront ensemble sur El Perdido de Robert Aldrich, et Lonely Are the Brave (Seuls sont les indomptés) de David Miller. Ce dernier titre semble, du reste, avoir été écrit pour un homme dont le palmarès comme producteur aligne encore des réussites comme The Vikings de Fleischer, Strangers when we Meet de Quine, et autres Seven Days in May de Frankenheimer (sous le label Joel Production, qui se substituera un temps à Bryna). Et si l’acteur dut renoncer à monter One Flew Over the Cuckoo’s Nest, un projet qu’il caressait depuis le milieu des années 60, son fils Michael reprendra le flambeau, produisant, en 1975, le film de Milos Forman. Bon sang ne saurait mentir…

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