Critique

Grey, l’anatomie: cinquante nuances d’ennui

Dakota Johnson et Jamie Dornan dans Fifty Shades of Grey © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Dans Fifty Shades of Grey, le film, un wonderboy adepte du panpan-cucul mollasse tente de se persuader qu’il brave les interdits. Déprimant à mourir.

Lundi soir, à l’UGC De Brouckère. Avant la projection, sur invitation, c’est dégustation de champagne pour tout le monde. Dress code suggéré: cravate grise. La séance n’a pas encore commencé qu’on a déjà envie de se suicider au cure-dent… Bon. Le film, donc. Adaptation du « mom porn » à succès -euphémisme…- d’E.L. James, Fifty Shades of Grey se construit sans surprise sur un chapelet d’oppositions forcées. À commencer par celle qui conditionne la rencontre, puis la romance vaguement perverse, entre ses deux protagonistes. D’un côté, Anastasia Steele (Dakota Johnson, la fille de Melanie Griffith et Don Johnson): jeune gourde innocente nourrie à l’idéalisme tragique de Thomas Hardy. De l’autre, Christian Grey (Jamie Dornan, davantage rompu aux cours de fitness qu’à ceux d’art dramatique): wonderboy orgueilleux et friqué obsédé du contrôle.

Rêve vs cynisme, sensibilité à fleur de peau vs matérialisme sans coeur, virginité vs expérience… Le rapport de force est vite établi, et quasi matérialisé dans un contrat que Grey essaye désespérément de faire signer à Steele, instituant un système fort peu inventif de récompenses et de punitions tout en actant la domination sexuelle du mâle conquérant sur la fragile donzelle -il faut le voir lâcher ce « Welcome to my world » tristement autosatisfait au terme d’une fessée mollasse. Et tant pis si cette suprématie masculine pas tout à fait consentie, mais presque, se manifeste déjà largement au détour d’aventures partagées au-delà de la baise -il pilote un hélico et des voitures de ouf, joue du piano la nuit dans des poses torturées, tandis qu’elle en est pour ainsi dire réduite à l’admirer en se mordillant les lèvres, haletante de désir. Avec, en filigrane, cette idée un peu rance que le bonheur est peut-être dans la soumission -carton rouge au premier qui tente un parallèle avec le dernier Houellebecq.

S’ensuit un interminable jeu du chat et de la souris faussement kinky, pleurnicherie atrocement bavarde aux enjeux esthétiques dignes d’un drame érotisant estampillé AB3. Et aux enjeux moraux à l’avenant: foutrement déprimants donc -le pouvoir, l’arrogance et l’argent érigés en lubrifiants définitifs de l’époque. À l’image, encore, de l’objectif charognard et à peine voilé de cet édifiant nanar aux appétits clinquants: ranimer la libido en berne de tous ces couples anesthésiés par l’habitude en leur vendant du rêve en boîte. Cafard…

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