Take Shelter
DRAME | Un père de famille glisse vers la folie dans le film troublant et inspiré de Jeff Nichols, prix de la critique au dernier festival de Cannes.
TAKE SHELTER, DRAME DE JEFF NICHOLS. AVEC MICHAEL SHANNON, JESSICA CHASTAIN, TOVA STEWART. 2 H. SORTIE: 01/02. ****
Le 1er film apocalyptique de l’année est l’oeuvre d’un jeune réalisateur scénariste américain nommé Jeff Nichols (Shotgun Stories). Il nous emmène dans une maisonnée modeste comme l’Amérique profonde en compte de nombreuses. Chez les LaForge, il y a Curtis, son épouse Samantha et la petite Hannah, leur fille sourde et muette. Autour de l’enfant, le couple se serre les coudes, apprend le langage des signes, et projette une opération coûteuse, impossible sans intervention de l’assurance. C’est que Curtis, ouvrier dans une entreprise de forage, ne gagne pas des fortunes, Samantha faisant des travaux de couture pour boucler des fins de mois qui ne laissent pas de grandes possibilités d’économiser. Mais la petite famille n’en serait pas moins heureuse si Curtis ne connaissait, depuis peu, des nuits difficiles. Des cauchemars terrifiants le réveillent, en sueur, d’autant plus effrayé qu’il craint de devenir schizophrène, comme sa mère placée dans une institution psychiatrique depuis une vingtaine d’années déjà… Ainsi commence Take Shelter, un 2e film extraordinaire, au titre faisant allusion à l’abri anti-tempête creusé au fond du jardin des LaForge. Un abri que Curtis songe à agrandir, suite à son sentiment d’une catastrophe naturelle imminente…
Vertiges
Take Shelter nous invite à découvrir et à ressentir, de troublante et saisissante manière, l’envers du décor somme toute banal d’une Amérique provinciale et populaire. L’approche de Jeff Nichols n’est pas sans rappeler parfois l’univers d’un David Lynch ou celui d’un Stephen King, et aussi l’art de Kubrick adaptant The Shining… du même King. Mais l’inquiétude au quotidien que distille son film, le malaise existentiel qui s’y développe, la contagion progressive du réel par un imaginaire alarmant, prennent chez le jeune cinéaste natif de l’Arkansas une dimension très personnelle… et particulièrement déstabilisante. Jusqu’à un final remarquable, que nous ne dévoilerons bien sûr pas ici, mais qui garantit au spectateur un très long frisson. Dans le rôle de Curtis, Michael Shannon fait une création fascinante. Remarqué notamment dans World Trade Center d’Oliver Stone, Bug de William Friedkin et Revolutionary Road de Sam Mendes, le comédien offre une incarnation plus qu’une interprétation, poussant le réalisme aux extrêmes d’une douleur communicative. Jessica Chastain, déjà superbe en mère courage dans The Tree of Life de Terrence Malick, confirme son vibrant talent dans le rôle de Samantha. L’interprétation déchirante de Take Shelter, et l’identification qu’elle suscite, contribuant pour beaucoup à la grande réussite d’un film aussi beau que sombre, un thriller psychologique où passent l’ombre d’Hitchcock et le vertige d’une époque scrutant le mot « fin » dans le vol de tant d’oiseaux de mauvais augure…
Louis Danvers
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici