En ouverture d’Anima, L’Extraordinaire voyage de Marona multiplie les niveaux de lecture

L'Extraordinaire Voyage de Marona porte la patte graphique du dessinateur Brecht Evens, conseiller sur le film. © LE PARC DISTRIBUTION
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Réalisé avec le concours de Brecht Evens, L’Extraordinaire Voyage de Marona, le nouveau long métrage d’Anca Damian, fait l’ouverture du festival Anima. Un enchantement.

La veille au soir, quand, en prélude à la première projection publique de L’Extraordinaire Voyage de Marona (lire la critique) à Rotterdam, le présentateur avait annoncé « un film sur un chien« , on avait senti poindre chez Anca Damian, la réalisatrice, un soupçon d’irritation. « C’est un film sur un chien, aussi, mais c’est surtout un miroir pour nous« , commente-t-elle, alors qu’on la retrouve au foyer de De Doelen, le centre névralgique du festival. Sixième long métrage de la cinéaste roumaine, son troisième film d’animation après Le Voyage de monsieur Crulic et La Montage magique, Marona se joue, en effet, des raccourcis simplistes et autres classifications par trop réductrices. S’il y a bien là, en effet, l’histoire d’un chien (écrasé) rembobinant le fil de son existence, le film multiplie les niveaux de lecture -récit pour enfants autant que conte philosophique pour adultes- en même temps qu’il ose une large palette de styles et des techniques d’animation différentes, en un pur enchantement pour les sens.

Un conte sur le bonheur

Au coeur du film donc, l’histoire de Marona, une petite chienne passant d’un maître à l’autre en un road-trip insolite à travers les différents âges de la vie, moyen, pour la réalisatrice, d’introduire un message plus profond sur le sens de l’existence. « Quand j’ai commencé à faire du cinéma, mon maître n’était autre qu’Akira Kurosawa, observe-t-elle. Les Sept Samouraïs , c’est un film d’aventures mais c’est aussi un récit d’initiation. Pour moi, un film doit toujours présenter différents niveaux: le premier, accessible à tous, constitue la base de l’histoire, et les autres viennent s’y greffer, libre à chacun de les percevoir ou non. La construction doit intégrer tous les étages, chacun optant pour son niveau de lecture. »

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L’une de celles que suggère L’Extraordinaire Voyage de Marona tient au fait que le bonheur réside dans les petits moments de l’existence, vision n’étant pas sans rappeler celle d’un autre maître japonais, Hirokazu Kore-eda. « C’est la sagesse bouddhiste, aussi. Mon film est un conte sur le bonheur, et le bonheur, ce n’est ni le passé, ni le futur, mais le moment présent. Mais ce moment, on ne le vit qu’à 10% parce qu’on est obnubilés par le passé ou le futur… » Une philosophie dont Marona va faire l’apprentissage auprès de ses trois maîtres successifs, Manole, Istvan et Solange. « Dans ma note d’intention, j’ai écrit, en référence au film Le Garçon et le Monde, d’Alê Abreu, qu’il s’agissait cette fois de « La Fille et le Monde ». Le garçon devait connaître le monde à travers la recherche de son père, et ici, elle découvre le monde par interaction émotionnelle. Chaque maître correspond à un âge: Manole, c’est l’enfance où tout est possible, Istvan est bloqué émotionnellement dans l’adolescence, et Solange correspond à la maturité, qui consiste à aimer les gens comme ils sont et à les accepter, chacun avec ses limites. C’est un autre niveau de lecture. »

Vision polymorphe

Le parcours d’une vie en somme, que reflète le style graphique du film, courant des années 50 à l’époque contemporaine. Pour traduire sa vision à l’écran, Anca Damian a fait appel à l’auteur belge de BD Brecht Evens. « J’apprécie tout particulièrement chez lui sa forme de narration où le visuel est très connecté avec l’histoire. J’adore sa Panthère , par exemple, un objet parfait où tout se mélange idéalement. Brecht m’inspire. Il y a des artistes avec lesquels on résonne, et son univers correspond à ce que je projette sur l’art. Quand je l’ai contacté pour Marona , il travaillait sur Les Rigoles et ne pouvait pas s’engager à 100%. Mais il a créé les personnages en plus d’être conseiller graphique sur le film. » Deux autres artistes, Gina Thorstensen et Sarah Mazzetti, ont, pour leur part, pris en charge les décors, le film ondoyant au gré de leurs univers respectifs tout en préservant son unité.  » La vie est polymorphe, sourit la cinéaste. Avec des artistes comme Brecht, Gina ou Sarah, tu ne marches pas, tu voles. Même si j’aime la prise de vues réelles, et que j’ai débuté comme directrice de la photographie, je préfère la liberté du langage de l’animation: il me permet de recréer la réalité, mais aussi d’ajouter la surréalité… » En quête de sens, et à l’abri de toute contrainte.

Le 21/02 en ouverture d’Anima. En salles à partir du 26/02.

Anima, clap 39e

Onward
Onward© PIXAR

On ne présente plus le festival Anima, l’occasion de découvrir, dix jours durant, le meilleur du cinéma d’animation, à destination des jeunes spectateurs comme des adultes. Le millésime 2020 ne déroge pas à la règle, L’Extraordinaire Voyage de Marona d’Anca Damian, en ouverture, et Monty and the Street Party, des Danois Anders Morgenthaler et Mikael Wulff en clôture, encadrant une sélection aussi riche que variée. On épinglera notamment le dernier-né des studios Pixar (Onward, de Dan Scanlon), une séance best of de l’humour au féminin (Women in Laugh!), une rencontre autour des films de Hans Op de Beeck, un focus sur les pays scandinaves, un échantillon de la production des studios Ponoc parmi divers titres japonais, une section VR ou encore un hommage au studio luxembourgeois Mélusine Productions. Sans oublier, aux côtés de ces nombreux inédits, l’opportunité de (re)découvrir quelques pépites des derniers mois, de J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin, à La Fameuse Invasion des ours en Sicile, de Lorenzo Mattotti…

Landscapes
Landscapes© STUDIO HANS OP DE BEECK

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