En direct depuis la Mostra : Heaven’s Gate, Michael Cimino

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Durant cette 69e édition de la Mostra de Venise, retrouvez chaque jour le film coup de coeur de notre envoyé spécial, Jean-François Pluijgers.

Une fois n’est pas coutume : l’événement du jour, à la Mostra, était à chercher non du côté de la compétition, où l’on a pu voir les quelconques Izmena, du Russe Kirill Serebrennikov, et The Iceman, de l’Américain Ariel Vromen, mais bien du côté des Classics, avec la redécouverte du Heaven’s Gate, de Michael Cimino, projeté dans sa version intégrale de 219 minutes .

Trente-trois ans que les cinéphiles attendaient cela, si bien que le réalisateur, visiblement ému –  » Being infamous is not fun « , expliquera-t-il avec des trémolos dans la voix – avait tenu à faire le déplacement.

L’histoire de Heaven’s Gate est connue, les dépassements de budget et le flop commercial du film ayant précipité la faillite de la United Artists (qui allait mutiler le grand oeuvre de Cimino en l’amputant de 70 minutes), non sans provoquer, indirectement, la fin du Nouvel Hollywood. Restauré à l’initiative de Criterion, ce western nous revient dans une version conforme aux intentions, et aux ambitions du réalisateur de The Deer Hunter – d’une ampleur rare. Inscrit dans la seconde moitié du XIXe siècle, Heaven’s Gate se déroule au coeur du Wyowing, parmi une communauté d’immigrants d’Europe de l’Est ayant payé de leurs maigres avoirs leur modeste part de rêve américain. Trop, en l’occurrence, pour l’association toute puissante des éleveurs qui vont engager, avec la bénédiction des autorités, un peloton de mercenaires pour venir liquider ses empêcheurs de prospérer sans partage. Grande histoire à laquelle viendra s’en greffer une autre, intime celle-là, dont les protagonistes seront emportés dans le tourbillon des événements.

Rendue à son format et ses couleurs d’origine, la vision de Cimino prend tout son sens – celui de l’espace, bien sûr, comme dans tout son cinéma ; celui du spectacle, aussi, qu’il s’agisse de mettre en scène l’extraordinaire scène de bal ou le déchaînement de violence final ; celui de l’Histoire, aussi, le réalisateur prenant à rebours les mythes fondateurs de l’Amérique, pour en livrer une version crue(lle). A quoi s’ajoute une façon toute singulière de glisser de l’intime à l’épique, dans une perspective portée par un puissant souffle lyrique, tandis que le temps y creuse son sillon, donnant à la fresque une nouvelle ampleur tragique. Trente-trois ans après, et à défaut de paradis, on y aura trouvé une sorte de rêve de cinéma – un chef-d’oeuvre rendu à sa monstrueuse beauté.

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