[Critique ciné] Un homme intègre, interdit en Iran pour « propagande contre le régime »

DRAME | L’oeuvre majeure de Mohammad Rasoulof, une chronique âpre et sobrement émouvante, remarquablement incarnée par Reza Akhlaghirad et Soudabeh Beizaee.

Bientôt la fin de l’année, et avec elle la tradition des poissons rouges qu’on achète à cette occasion en Iran. Le vivier de Reza et Hadis va pouvoir se vider, et l’argent sauver du désastre la petite famille qu’ils forment avec leur jeune fils. Car la misère guette ces exilés de la grande ville, installés dans une campagne où leur présence n’est pas la bienvenue. Le terrain où se dresse leur maison est convoité par une compagnie locale, pour un projet que l’honnêteté du couple peut seule faire capoter. Dans un climat de corruption et d’intimidation, Reza et son épouse enseignante gardent la tête droite. Ils en paieront le prix… Un homme intègre est bien sûr interdit en Iran, officiellement pour « propagande contre le régime », en fait pour son propos courageux et sa dénonciation d’un système de corruption institutionnalisé, aussi pour son éloge de la résistance, de la transgression, et sa mise en cause de la police religieuse, un tabou absolu. Aucun des six films réalisés précédemment par Mohammad Rasoulof (dont Iron Island, sorti chez nous voici une dizaine d’années) n’a été autorisé de diffusion dans son propre pays. Aujourd’hui sans passeport, il est à la merci d’une condamnation… Un homme intègre est son oeuvre majeure, une chronique âpre et sobrement émouvante, remarquablement incarnée par Reza Akhlaghirad et Soudabeh Beizaee. La force du film n’est pas seulement dans un scénario d’une rare puissance dramatique. Elle naît aussi et surtout d’un regard posé à juste distance, exprimant la révolte mais aussi une insondable tristesse.