Critique

Critique ciné: The Wolf of Wall Street

The Wolf of Wall Street - Leonardo DiCaprio © Mary Cybulski
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Venant après plusieurs films mineurs et la parenthèse Hugo, The Wolf of Wall Street renoue, assurément, avec la tradition du grand cinéma de Martin Scorsese.

Jordan Belfort, le trader au coeur de cette biographie, complète la galerie d’individus obsessionnels et excessifs jusqu’à bientôt flirter avec l’abîme mis en scène par le cinéaste new-yorkais, tandis que le film renvoie limpidement à quelques fleurons de son cinéma -on se bornera, ici, à citer les plus évidents, à savoir Casino et Raging Bull. Mais si ce dernier s’ouvrait sur un plan de Robert De Niro travaillant son jab, seul dans l’immensité d’un ring, The Wolf of Wall Street débute pour sa part par une scène de transe collective ponctuée par un lancer de nain. Trente ans et quelque sont passés par là, en effet, et la vulgarité semble avoir pris le pas sur toute autre considération, n’était sans doute l’avidité.

Trop n’est jamais assez

C’est bien de cela qu’il est question alors que Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio), un jeune ambitieux mal dégrossi, entame, au crépuscule des années 80, le parcours qui va faire de lui l’un des seigneurs de Wall Street. S’étant trouvé un mentor en la personne de Mark Hanna (Matthew McConaughey, dans une sidérante apparition), le gaillard fait ses débuts de broker le 19 octobre 1987 -timing pour le moins malencontreux puisqu’il coïncide avec le krach boursier. Qu’à cela ne tienne, l’homme a de la ressource, et il va rapidement se refaire en goupillant, avec quelques autres, une combine modeste en apparence; un montage financier virtuel pouvant rapporter gros en commissions. Et le modèle qu’il amplifiera bientôt, sans plus de morale que de scrupules, au sein de la Stratton Oakmont, société de courtage qui portera Belfort et ses affidés à la tête d’une fortune colossale; la Bourse et le monde à leurs pieds, sans plus rien pour les retenir de se vautrer dans un océan d’excès et de débauche, suivant un précepte sur (dé)mesure: trop n’est jamais assez…

Martin Scorsese a donc, pour sa part, trouvé dans l’histoire vraie de Belfort, surnommé « le loup de Wall Street » du temps de sa splendeur, un sujet à sa mesure. On se souvient de Ray Winstone, assénant dans The Departed: « This Is America. You don’t make money, then you’re a fuckin’ douchebag. » Logique d’un rêve américain dévoyé poussée ici jusqu’à sa conclusion vulgaire et cynique: The Wolf, c’est encore un Gatsby dépouillé de son romantisme et de sa classe, en une vision singulièrement dégrisante, Leonardo DiCaprio assurant le lien dans une composition qu’il pousse jusqu’à l’outrance.

Sans doute, Scorsese ne fait-il pas l’économie, en cours de route, de diverses longueurs ni d’une certaine facilité, recyclant des figures connues sinon convenues de son cinéma -sex and drugs, sur fond de rock’n’roll. De même, le clinquant de sa mise en scène n’est pas sans rappeler, par moments, du Oliver Stone; en quoi, toutefois, le réalisateur est parfaitement raccord avec l’univers bling bling qu’il dépeint. Cela étant, ce film, par endroits proprement halluciné, vibre d’une énergie et d’une férocité qu’on ne lui soupçonnait plus, là où sa jubilation manifeste à démonter, à grand renfort de dialogues crépitants, les mécanismes financiers à l’oeuvre se fait rapidement communicative. Plus dure sera la chute, en effet, constat asséné ici avec un mordant rappelant celui des classiques du cinéaste, à défaut d’en retrouver la force vitale…

  • DE MARTIN SCORSESE. AVEC LEONARDO DICAPRIO, JONAH HILL, MARGOT ROBBIE. 2H59. SORTIE: 08/01.
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