Critique

Critique ciné: Miss Julie, cris et tremblements

Colin Farrell et Jessica Chastain dans Miss Julie © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Liv Ullmann porte à l’écran la pièce terrible de Strindberg. L’ex-égérie de Bergman n’a pas oublié son mentor…

C’est sa ressemblance avec Bibi Andersson qui attira d’abord Ingmar Bergman, à la recherche d’une seconde actrice pour jouer Persona, en 1966. Le grand cinéaste suédois fit ensuite de la blonde Norvégienne (née à… Tokyo) son interprète préférée, de L’Heure du loup (1968) à Sarabande (2003) en passant par La Honte, Une passion, Cris et chuchotements, Scènes de la vie conjugale, Face à face, L’oeuf du serpent et Sonate d’automne. Ils vécurent aussi ensemble, et eurent une fille, Linn Ullmann, qui joua, enfant, dans plusieurs films de son père avant de se diriger vers une trajectoire de romancière.

Liv Ullmann est devenue réalisatrice dans les années 90, adaptant notamment deux scénarios inédits de Bergman: Entretiens privés (1996) et Infidèle (2000). Près de quinze ans après ce dernier film, elle revient derrière la caméra pour porter à l’écran la pièce terrible et sublime d’August Strindberg Mademoiselle Julie. Une oeuvre ayant déjà connu plusieurs transpositions au cinéma, notablement par Alf Sjöberg en 1951 (avec une extraordinaire Anita Björk) et plus récemment par Mike Figgis, dont l’héroïne eut les traits de Saffron Burrows en 1999.

Guerre des sexes

Egalement scénariste de la nouvelle adaptation, Ullmann s’est replongée dans ce texte époustouflant de force et de violence qu’est celui de Strindberg. Le dramaturge suédois avait confié, pour la première à Copenhague en mars 1889, le rôle titulaire à sa propre épouse, l’actrice Siri von Essen. Si Mademoiselle Julie fut créé au Danemark et non pas en Suède, c’est à cause de ses aspects sulfureux, qui retardèrent sa présentation dans le pays de son auteur à… 1906. Plus d’un siècle plus tard, le drame n’a rien perdu de son potentiel transgressif. L’adaptation très bergmanienne qu’en donne aujourd’hui Liv Ullmann en témoigne, qui fait de Jessica Chastain l’aristocrate emportée dans un huis clos nocturne et chaotique avec le valet de son père, joué par Colin Farrell. L’action est déplacée en Irlande du Nord, pour cause de vraisemblance verbale. Mais rien n’est changé au théâtre de la cruauté qui se joue sous nos yeux, entre deux êtres séparés par l’origine sociale mais traversés de désirs et de frustrations, de révoltes et de culpabilités, dont ils se servent comme de silex frappés pour déclencher les feux d’une confrontation chargée d’érotisme, de brutalité, de rapports de force et de domination poussés à incandescence. Chastain est phénoménale, vulnérable jusqu’à l’os, dans un film certes très classique dans sa forme, incertain de style, mais relayant avec force le discours strindbergien sur une guerre des sexes aux résonances toujours actuelles.

  • DE LIV ULLMANN. AVEC JESSICA CHASTAIN, COLIN FARRELL, SAMANTHA MORTON. 2H13. SORTIE: 19/11.
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