Critique

[critique ciné] Les Olympiades de Jacques Audiard: euphorisant

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

C’est dans un quartier du 13e arrondissement parisien que l’on découvre, filmés dans le scintillement du noir et blanc, trois filles et un garçon aux abords de la trentaine: Emilie, Camille, Nora et Amber.

On avait quitté Jacques Audiard sur les grands espaces westerniens des Frères Sisters, on le retrouve aujourd’hui dans l’horizon urbain des Olympiades, un film empruntant son titre à un quartier du 13e arrondissement parisien, où il a transposé l’univers de l’auteur de bande dessinée américain Adrian Tomine. C’est là que l’on découvre, filmés dans le scintillement du noir et blanc, trois filles et un garçon aux abords de la trentaine: Émilie (Lucie Zhang), qui vient de terminer ses études et travaille dans un call-center en attendant de se fixer; Camille (Makita Samba), son nouveau coloc, qui est prof de Lettres à Ivry et traverse une crise de vocation; Nora (Noémie Merlant), débarquée de Bordeaux pour reprendre des études, et essuyant de plein fouet la réalité de sa fac. Et puis Amber (Jehnny Beth), ancienne pornstar devenue travailleuse du sexe en version web. Quatre personnages que l’on rencontre alors qu’ils sont à la croisée de chemins amoureux et/ou professionnels, et que le film va accompagner, au son de Rone, dans un marivaudage sentimental résolument inscrit dans son époque, celle d’Internet, des réseaux sociaux et de la mondialisation notamment.

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Un conte moral

Jacques Audiard cite volontiers Éric Rohmer, et plus particulièrement Ma nuit chez Maud, parmi ses inspirations. Un film dont il inverse toutefois le protocole: alors que le discours amoureux y rendait, par sa force érotique, la suite superflue, l’acte physique précède désormais la parole, la différant sans aller pour autant jusqu’à l’évacuer. Pour mettre en forme ce conte moral en forme de comédie sentimentale du temps présent, le réalisateur s’est entouré de deux femmes scénaristes (et par ailleurs cinéastes), Céline Sciamma et Léa Mysius. Sans qu’il faille nécessairement y voir un lien de cause à effet, son cinéma, que l’on a souvent pu assimiler à celui de la virilité, fût-elle défaillante, y a gagné une coloration féminine lui allant fort bien. Non sans réussir, en explorant une géographie des sentiments à géométrie variable, à capter la vibration d’une génération à la solitude hyper-connectée. Entrecroisant les destins sinueux de ces quatre protagonistes en proie aux valses-hésitations amoureuses, le réalisateur veille encore, sans idéaliser le propos, à leur laisser une liberté de mouvement à laquelle il imprime sensualité et légèreté. Quelque chose comme quatre jeunes gens dans le vent, auxquels ses interprètes apportent fraîcheur, naturel et charme. L’auteur d Un prophète semblant pour sa part avoir trouvé dans cet opus générationnel, sinon un élixir de jouvence, du moins l’énergie d’un premier film. Euphorisant.

De Jacques Audiard. Avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant, Jehnny Beth. 1 h 46. Sortie: 03/11. ****

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