Critique

Critique ciné: La Belle et la bête

La Belle et la bête - Léa Seydoux © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

CONTE FANTASTIQUE | Christophe Gans revisite le conte, décliné en une fantasmagorie sombre se déployant entre deux mondes. Un film illuminé par la présence de Léa Seydoux mais écrasé par ses effets spéciaux.

Des versions cinématographiques de La Belle et la Bête, il y en a eu de nombreuses, les plus fameuses restant celle de Jean Cocteau en 1946, poème onirique habité par Jean Marais, et celle, animée, de Kirk Wise et Gary Trousdale 45 ans plus tard, qui voyait les studios Disney renouer avec leur magie d’antan. S’emparant à son tour du conte popularisé par Gabrielle-Suzanne de Villeneuve au XVIIIe siècle, Christophe Gans (Crying Freeman, Le Pacte des Loups) s’écarte sensiblement de la trame narrative privilégiée par ses prédécesseurs. Histoire, sans doute, de bien marquer son territoire, le cinéaste ouvre son film par une longue exposition, s’appesantissant, dans une vision toute de noirceur, sur les circonstances qui conduisent un marchand (André Dussollier) à la banqueroute, les vouant, lui et ses six enfants, au rang desquels l’innocente Belle (Léa Seydoux), à la disgrâce d’une retraite à la campagne. Un jour qu’il revient d’un funeste voyage à la ville, le père s’égare dans un mystérieux domaine, propriété de la Bête (Vincent Cassel), dont il se trouve bientôt à la merci par un méchant tour du destin; c’est là, toutefois, que sa fille choisit de se sacrifier pour lui, entamant, forcée, une curieuse cohabitation avec la Bête, l’un et l’autre apprenant à se découvrir…

Biche de synthèse

Si le conte original était notamment une histoire d’amour exaltant la beauté intérieure, la version qu’en livre Gans, quoique généreusement baignée de romantisme, escamote quelque peu cette dimension. Et choisit de se concentrer sur Belle, dont le destin se décline en une sombre fantasmagorie se déployant entre deux mondes. C’est bien d’un voyage fantas(ma)tique qu’il est ici question, où les rêveries en forme de traversées du miroir peuvent se révéler proprement ensorcelantes, Léa Seydoux illuminant le récit de sa grâce de belle personne. Concession à l’air du temps, peut-être -voir les récents « éclats » hollywoodiens de Blanche-Neige ou du Chaperon rouge, par exemple-, Christophe Gans ne laisse malheureusement pas à la magie et la poésie le soin d’opérer sur la distance, sacrifiant une part de la substance aux artifices, et préférant saturer l’écran de trouvailles un peu vaines (les petites créatures inoffensives peuplant le château, dont on suppose qu’elles sont là pour rallier le public enfantin), et surtout d’effets spéciaux grossiers. Passe encore pour la Bête, dont les apparitions ne sont guère concluantes, mais la biche de synthèse semble, elle, tout droit sortie de quelque application cheap; quant au déploiement de force final, il voit le conte s’abîmer dans le kitsch le plus pompier…

  • De Christophe Gans. Avec Léa Seydoux, Vincent Cassel, André Dussollier. 1h52. Sortie: 12/02.
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