[Critique ciné] J’accuse, de Polanski, passionnant mais poussiéreux
DRAME HISTORIQUE | Roman Polanski reconstitue l’affaire Dreyfus à la manière d’un thriller dans un film passionnant mais poussiéreux où brille Jean Dujardin.
Voilà sept ans déjà que Roman Polanski souhaitait consacrer un film à l’affaire Dreyfus, le scandale qui déchira la France de la Troisième République au tournant du XXe siècle, le cinéaste franco-polonais enchaînant, dans l’intervalle, deux oeuvres d’une portée mineure, La Vénus à la fourrure et D’après une histoire vraie. Adapté de son roman An Officer and a Spy par Robert Harris, scénariste, précédemment, de l’excellent The Ghost Writer du même Polanski, J’accuse (d’après le titre d’un article déterminant que consacra Émile Zola à l’affaire dans L’Aurore) adopte un point de vue aussi original que finalement méconnu, celui du colonel Marie-Georges Picquart (Jean Dujardin, particulièrement convaincant dans un registre grave auquel il ne nous avait guère habitués).
Certitudes ébranlées
Produit de l’École Militaire de Saint-Cyr avant de grimper dans la hiérarchie de l’armée, Picquart avait eu Alfred Dreyfus (Louis Garrel) pour élève à l’École supérieure de guerre, où il enseignait la topographie. S’il avait participé de bonne foi à sa condamnation pour haute trahison et intelligence avec l’ennemi, au nom notamment d’un antisémitisme communément répandu dans la France d’alors, l’officier va voir ses certitudes ébranlées une fois nommé à la tête du contre-espionnage français, convaincu bientôt que les preuves accumulées contre Dreyfus avaient été fabriquées de toutes pièces. Et de tout mettre en oeuvre pour rétablir la vérité et obtenir la révision du procès ainsi que la réhabilitation du condamné de l’île du Diable; une entreprise non dénuée de risques, cependant, la grande muette faisant corps pour préserver son honneur, fût-ce au détriment d’un innocent.
Mené avec l’efficacité d’un thriller, J’accuse apporte un éclairage passionnant sur une erreur judiciaire et un scandale politique qui eurent le don de polariser la France, et dont Polanski démonte minutieusement les mécanismes. Dénonçant l’antisémitisme gangrenant la société comme les ravages de la désinformation, le film résonne forcément avec le monde d’aujourd’hui, en plus de faire écho à l’histoire personnelle du réalisateur. Soit une oeuvre de grande ampleur, dont la force comme la nécessité ne sont certes pas à souligner. L’on regrettera d’autant plus une mise en scène figée dans un classicisme convenu au point d’apparaître poussiéreux, et une distribution inégale qui, aux côtés de l’impeccable Jean Dujardin, privilégie les numéros aux compositions, Mathieu Amalric, Melvil Poupaud, Denis Podalydès, Damien Bonnard et jusqu’à Roman Polanski lui-même y allant à tour de rôle de leur caméo, au risque, parfois, de distraire de l’essentiel…
J’accuse. De Roman Polanski. Avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Grégory Gadebois. 2h13. Sortie: 13/11. ***(*)
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