Critique

Critique ciné: 47 Ronin

47 Ronin © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

FILM DE SAMOURAIS | Hollywood s’empare d’un classique de la culture japonaise, gonflé aux effets spéciaux kitsch et à la 3D. Un scénario dense évite le naufrage à un film consacrant encore le retour de Keanu Reeves…

Située à l’aube du XVIIIe siècle, l’histoire des 47 Ronin est un classique de la culture japonaise -le grand Kenji Mizoguchi, parmi d’autres, en a d’ailleurs donné une lecture magistrale au début des années 40, s’attachant tout particulièrement aux tensions psychologiques à l’oeuvre. Arrivant sur nos écrans après moult reports (rarement un bon signe), la version de Carl Rinsch répond à l’évidence à une ambition différente, dont atteste d’ailleurs le recours à une 3D présageant d’un déluge d’action barnumesque. L’ouverture du film en mode pompier fait ainsi redouter un spectacle particulièrement indigeste, créature monstrueuse à l’appui. La suite, pourtant, n’est pas la catastrophe annoncée, le scénario conjuguant, plutôt habilement, dimension épique et appréciable densité. Et ce malgré les licences prises par les auteurs avec le récit classique: soit, d’une part, l’appoint désolant d’éléments fantastiques (il faut ajouter à la Bête du début une sorcière se transformant en Gorgone, affaire de « pimenter » les débats); et, d’autre part, la présence, aux côtés des Ronin, d’un sang-mêlé, manière de ménager une énième possibilité de retour à un Keanu Reeves dont la carrière semble avoir pris l’eau de toutes parts depuis l’époque glorieuse de Matrix (et l’on n’évoque que pour mémoire My Own Private Idaho).

Héroïsme et dévouement

Outre d’en jeter un max, le prologue n’a d’ailleurs d’autre objet que de poser son personnage, Kaï, en paria, mais aussi en combattant valeureux, le seul à même, sans doute, d’affronter les forces du Mal libérées sur la terre d’Ako. De fait, voilà que dans la foulée, Asano, le seigneur des lieux, est humilié puis contraint au seppuku suite aux manoeuvres d’un rival félon, Kira, aidé par une créature maléfique. Déchus de leur rang et bannis de leur terre, les 47 Ronin (ou samouraïs errants) vont décider de venger leur maître et de le restaurer dans son honneur, bravant l’interdit du Shogun, quitte à en payer le prix. Et d’en appeler aux services d’un Kaï qu’ils avaient autrefois répudié…

La légende se nourrissait d’héroïsme et de dévouement, le film y adjoint la solide dose d’action prévisible, de même qu’une intrigue sentimentale convenue. La surprise tient dans le fait que, son ouverture digérée, le résultat ne se vautre pas dans le ridicule, mais tienne plutôt honnêtement la distance. L’histoire est envoûtante, en effet, dont l’on s’abandonne avec plaisir aux méandres parsemés de moments forts. Si Keanu Reeves n’y déploie qu’un charisme relatif, Hiroyuki Sanada (vu notamment dans le dernier Wolverine) et Rinko Kikuchi (Pacific Rim, La Ballade de l’impossible) apportent à l’affaire la conviction requise. Ces 47 Ronin ne laisseront certes pas un souvenir impérissable. Il n’y a pas là, pour autant, matière à se faire hara-kiri…

  • De Carl Rinsch. Avec Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Kô Shibasaki. 1h59. Sortie: 02/04.
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