Clotilde a les épaules

Clotilde Hesme est Diane, une jeune femme à la désinvolture solaire qui accepte de devenir mère porteuse pour un couple d'amis homosexuels. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Clotilde Hesme dévoile sa face burlesque en toute liberté dans Diane a les épaules, le premier long métrage de Fabien Gorgeart.

Au moment de lancer Ninotchka d’Ernst Lubitsch, en 1939, la MGM avait opté pour un slogan à même de frapper les esprits: « Garbo rit! », une première dans la carrière de la Divine. Si l’on ne devait aujourd’hui retenir qu’une chose de Diane a les épaules, le premier long métrage du cinéaste français Fabien Gorgeart (lire la critique), ce serait d’avoir révélé la nature comique de Clotilde Hesme, comédienne distribuée le plus souvent dans des emplois dramatiques depuis qu’on la découvrit, en 2005, dans Les Amants réguliers de Philippe Garrel, avant de la retrouver chez Christophe Honoré, Bertrand Bonello et autre Raoul Ruiz. « J’avais vraiment envie d’aborder des choses plus légères, plus burlesques, commence-t-elle, enjouée, son rire se dispersant dans les allées du théâtre de Namur -le film faisait la clôture du Festival International du Film Francophone, en octobre dernier. J’avais déjà expérimenté cette facette au théâtre, mais au cinéma, il y avait plutôt eu, pour l’instant, une veine plus tragique. Mais je savais qu’un clown sommeillait, n’attendant que d’être un peu réveillé… Après, le film a un fond mélancolique, parce qu’il est aussi fait de ce que je suis. Je crois très peu en la construction de bout en bout d’un personnage qui me soit complètement éloigné. Je rejoins Truffaut quand il disait qu’un film est toujours un documentaire sur les acteurs. »

Entre Rohmer et Alien

La voilà donc sous les traits de Diane, jeune femme à la désinvolture solaire acceptant de devenir mère porteuse pour un couple d’amis homosexuels -une aventure qui va prendre un tour incontrôlé dès lors que l’amour s’invite également dans son existence. Ce rôle, Fabien Gorgeart, qui la connaissait bien pour avoir notamment tourné avec elle le court Un chien de ma chienne, l’a écrit à son intention. « Un immense cadeau, apprécie-t-elle, manière aussi de rencontrer son aspiration à « faire des films exigeants, mais qui deviennent populaires ». « Je ne voulais pas me retrouver dans des choses dans lesquelles je ne me reconnaissais pas, et je ne voulais pas faire de concessions par rapport à ça. Je suis très heureuse qu’arrive, sans avoir jamais fait aucun compromis, un projet qui concilie l’envie de légèreté et de divertissement avec une exigence de la mise en scène et de l’écriture. »

Clotilde Hesme, le réalisateur la décrit comme un croisement entre une héroïne rohmérienne et le lieutenant Ripley qu’incarnait Sigourney Weaver dans Alien. « Ça me va assez bien, soupèse-t-elle. Je n’ai jamais eu le sentiment de faire partie d’aucun clan, aucune chapelle. Mais c’est un combat presque quotidien de ne pas céder à appartenir à un groupe, une bande. Je suis de ma génération, mais je suis libre, et c’est à défendre dans ce métier, il faut résister à plein de trucs.« Tout au plus parlera-t-on d’affinités électives, découvertes à l’instinct: avec Christophe Honoré, bien sûr, pour qui elle a tourné Les Chansons d’amour et La Belle Personne, Alix Delaporte aussi, dont elle a illuminé Angèle et Tony et Le Dernier Coup de marteau. Ou encore Fabrice Gobert, qui l’a dirigée dans la série Les Revenants et K.O.: « Je suis pour la fidélité, mais pas pour être estampillée. Je laisse les étiquettes aux autres. »

Si, du reste, elle a adhéré sans réserve au personnage de Diane, c’est aussi en raison de cette liberté qui lui colle à la peau. « Elle est bien plus libre et immature que moi. Heureusement, j’ai un peu plus appris de la vie, mais il y a des points communs. Elle a un côté « bigger than life« , donc tout est un peu exacerbé. Même au niveau de l’image, je ne suis pas aussi grande que Diane en a l’air par rapport à mes partenaires. J’ai adoré qu’elle soit démesurée, elle est hors cadre, c’est moi en mieux…« (rires) Effet burlesque garanti, et juste retour des choses, pour une comédienne à qui sa haute taille a déjà valu de devoir vivre l’inverse, « avec certains acteurs français qui ne supportaient pas que je sois grande. On fait attention à ce que l’actrice soit un peu moins grande que le personnage masculin principal. On ne m’a jamais mis de talons, toujours à plat, voire on creusait des tranchées à côté… Il y a cette petite misogynie latente, pas seulement dans le cinéma, elle existe partout. C’est quand même la moindre des choses d’être féministe aujourd’hui dans le monde dans lequel on vit, parce qu’il y a des retours en arrière qui peuvent être un peu flippants. Il est d’autant plus agréable de rencontrer un réalisateur hyper-féministe comme Fabien… »

Et de se voir proposer un premier rôle féminin comme le cinéma hexagonal n’en produit guère: « Trouver un rôle de premier plan comme celui-là, intéressant, riche, complexe, n’est pas habituel. J’ai énormément joué les copines, les femmes de, et c’est super, mais ça me révolte assez que les premiers rôles soient toujours attribués à des hommes. Là, ça commence à changer: il y a une nouvelle génération avec Jeune femme, Victoria où les rôles féminins sont des rôles de premier plan, mais ce n’est pas courant dans le cinéma français. Il y a un besoin d’air, de réinventer les choses, de ne pas céder à la morosité. Des gens comme Justine Triet ou Antonin Peretjatko réinventent des formes du cinéma sans s’embarrasser des anciens codes, ni chercher à obéir ou à imaginer ce qu’attendent les gens. Ils font les films et restent assez libres, c’est vraiment vivifiant…« À défaut de chapelle, une communauté d’esprit?

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