Cécile de France: « Depuis toute petite, je suis fascinée par la philosophie des Amérindiens »

Cécile de France a vécu le tournage d'Un monde plus grand comme une expérience tant physique que spirituelle.
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Cécile de France habite Un monde plus grand, voyage initiatique l’emmenant aux confins de la Mongolie, à la rencontre des Tsaatans et du chamanisme.

Le voyage initiatique a la cote auprès des comédiennes belges, et après Virginie Efira se frottant aux étendues du Kirghizistan dans Continuer de Joachim Lafosse, c’est au tour de Cécile de France d’arpenter les steppes mongoles dans Un monde plus grand de Fabienne Berthaud. La comparaison s’arrête là cependant: si la première essayait de renouer avec son fils (et avec elle-même), la seconde entame le périple pour tenter de surmonter la disparition de l’être aimé. Et de s’ouvrir, au contact des Tsaatans, peuplade nomade d’éleveurs de rennes, au chamanisme et, partant, à un horizon dont elle ne soupçonnait pas même l’existence.

Derrière le film, on trouve un livre paru en 2004, Mon initiation chez les chamanes. Une Parisienne en Mongolie, de Corine Sombrun, où l’autrice relate son expérience personnelle. Laquelle, explique Cécile de France dans la douceur vénitienne, l’a profondément impactée: « Les Tsaatans sont les ancêtres des Indiens d’Amérique. Il y a 13.000 ans, le détroit de Béring était franchissable à pied, si bien que les tipis, etc. viennent de Mongolie. Depuis toute petite, je suis fascinée par la philosophie des Amérindiens -cela vient du cinéma et des films de cowboys et d’Indiens, tout simplement- et remonter aux sources de cet état d’esprit m’excitait énormément. Afin de choisir l’actrice, ils ont fait essayer à plusieurs d’entre nous l’expérience de la transe. J’ai réagi très fort, étant particulièrement réceptive à cet état de conscience modifiée auquel, je pense, les artistes ont d’ailleurs accès facilement. Pour moi, jouer, peindre, écrire, c’est déjà un état de conscience modifiée et une forme de transe. Le sujet m’a très vite passionnée. »

Cécile de France:

Renouer le lien

Si d’autres auraient pu hésiter à la perspective des rigueurs d’un tournage dans l’une des régions les plus reculées de Mongolie, à la frontière avec la Sibérie, voire encore en raison de la nature aventureuse du projet, Cécile de France, elle, s’est investie sans compter. Sans, pour autant, qu’elle songe à s’en gargariser. « Le tournage a requis une organisation particulière, et de changer nos habitudes, mais c’est toujours bien, de toute manière, de ne pas s’enfermer dans une routine, et d’être disponible au nouveau et à l’inconnu. Il n’y avait ni eau, ni électricité, ni Internet, mais cela s’est très bien passé. Ce n’était pas toute la vie non plus, cela ne durait qu’un mois, un vrai trip. Et j’aime bien m’imprégner d’une culture différente de la nôtre. »

En quoi elle aura été servie au-delà de toute attente sans doute par une expérience tant physique que spirituelle. « La transe, c’est difficile à expliquer. On a accès à une autre dimension, pour laquelle il n’y a pas de mots. C’est très intime aussi, je ne veux pas entrer dans les détails. Le film n’affirme rien, c’est l’adaptation d’un livre et une oeuvre romanesque qui n’assène aucune vérité. Nous ne tenons pas un discours disant: « Attention, un monde invisible existe« , même si c’est quasiment sûr pour moi après avoir vécu ce tournage. Mais on n’impose rien, le film reste assez abstrait. S’il permet d’avoir une réflexion sur le lien que l’on a rompu avec les esprits de la nature, c’est déjà bien. Même si pour moi, c’est avant tout une histoire d’amour, de deuil, de parcours initiatique et de cheminement personnel. » Et une expérience marquante, à l’évidence, dont elle souligne l’enrichissement mais aussi les questionnements qu’elle en a retirés, à l’échelle cosmique pour ainsi dire: « Je considère que notre société occidentale délaisse l’hémisphère droit de notre cerveau, siège de l’intuition, de la créativité, de la sensibilité mais aussi de l’empathie pour les autres. Nous avons tous cette extra-sensibilité en nous, mais notre société matérialiste et cartésienne l’étouffe et la met en mode veille. Ce n’est pas une question de mysticisme ou de croyance, mais bien de philosophie et de liens avec notre environnement, la nature, l’esprit des arbres, des ruisseaux, des animaux. Être sortis de l’écosystème et nous considérer comme supérieurs à la nature n’a pas seulement nui à celle-ci mais aussi à nous-mêmes. Les mystiques ne sont pas les seuls à s’y intéresser, les neurosciences et la physique quantique redéfinissent les notions de matière, de temps, de distance, les frontières sont plus poreuses entre le chamanisme et la science, et c’est bien… »

Cécile de France:

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