Casse-tête chinois: Klapisch remet ça

Casse-tête chinois - Cécile de France, Romain Duris, Kelly Reilly et Audrey Tautou © DR

On prend les mêmes, et on voyage, comme Cédric Klapisch qui emmène à New York son héros de L’Auberge espagnole et des Poupées russes.

Jamais deux sans trois. L’Auberge espagnole et Les Poupées russes se voient aujourd’hui prolongés d’un nouvel épisode mettant en scène Xavier, le héros joué par Romain Duris pour un Cédric Klapisch plus « générationnel » que jamais. Les séries de films centrés sur des personnages récurrents inspirent régulièrement le cinéma français, avec un résultat allant du meilleur (OSS 117) au pire (le navrant Coeur des hommes 3). Casse-tête chinois est-il un choix de facilité, pour un réalisateur conscient des attentes potentielles des nombreux « fans » de L’Auberge espagnole? Klapisch n’est pas surpris d’entendre cette question, somme toute légitime. D’autant que le public ne l’avait pas vraiment suivi dans la radicalité de Ma part du gâteau, son conte social au ton grave et révolté. « A la fin du tournage des Poupées russes, je m’étais dit que si je faisais un jour un troisième volet, il s’appellerait Casse-tête chinois, se souvient le cinéaste. Il faudrait qu’une dizaine d’années se passent, que les acteurs aient des enfants, avant de concrétiser le projet… Ce n’était pas prémédité mais il se trouve en effet que le film arrive après un autre qui témoignait de la crise financière et de l’injustice sociale de ses conséquences, avec une âpreté, une dureté, qui ne me sont pas coutumières. Le contraste est grand avec mon nouveau film où je veux montrer que le bonheur est toujours possible. Un film sur la résilience… »

Cédric Klapisch
Cédric Klapisch© DR

« Je voulais, poursuit le cinéaste, que Casse-tête chinois soit tout à la fois une suite et un film qui puisse se voir sans forcément avoir vu les deux autres. Dès l’écriture s’est donc posée la question de savoir quel minimum de données j’allais fournir pour situer le film par rapport aux précédents. Ça a été compliqué à gérer! Le reste du travail étant exactement le même que pour tout nouveau film entrepris depuis un point zéro. »

Bien sûr, il y avait de nouveau Romain Duris, avec lequel Klapisch tournait pour la… septième fois. Une relation à la Truffaut-Léaud « qui évolue sans cesse, parce que nous vivons chacun des choses différentes, si bien qu’il y a aujourd’hui presque l’exact opposé de ce qu’il y avait au tout début. Au départ, Romain n’était pas acteur, et ne voulait pas être acteur. Aujourd’hui, il est devenu acteur. Il est extrêmement professionnel mais il continue à ne pas être un acteur comme les autres. Il a ce charme des gens qui sont pros sans jamais le faire sentir, qui travaillent mais dont le naturel fait encore et toujours la différence. Arriver à cacher la part de labeur, c’est cela qui est unique chez lui. »

La Chine à New York

L’idée de prendre New York comme décor n’est pas venue immédiatement à Klapisch, qui eut d’abord envie de situer le film en Chine, non sans logique par rapport au titre… « Dix ans ont passé, la Chine a explosé, explique-t-il, j’y suis allé quatre fois, j’ai cherché où et comment tourner. Jusqu’à ce que je comprenne que ce serait quasi impossible de le faire, avec trop de paramètres (y compris politiques) compliqués à gérer. C’est lors de la présentation de Ma part du gâteau à New York que je me suis souvenu de mes études là-bas, de la promesse que je m’étais faite d’un jour y tourner un film. Le soir même, je dînais à Chinatown. J’ai eu le déclic: ce serait la Chine à New York! »

Romain Duris
Romain Duris© DR

Pas question pour le réalisateur français de filmer la ville selon une approche déjà utilisée. « Il y a trop de paternités! Avec Paris, New York est l’autre grande ville du cinéma, on l’a vue filmée magnifiquement par tant de grands cinéastes qu’il fallait trouver un angle personnel, particulier. Heureusement, les deux ans passés sur place durant mes études avaient fait naître en moi plein de questions sur le sujet. Je m’en suis souvenu durant les huit mois où j’ai écrit le scénario et opéré d’incessants repérages, partant à la redécouverte de la ville. » Une redécouverte prenant progressivement une allure marxiste… tendance Groucho. « Les Marx le disent dans tous leurs films: le chaos est plus fécond que l’ordre, le désordre est créatif et mérite d’être célébré. C’est parfois quand on se croit perdu qu’on se trouve, et c’est ce qui arrive au personnage de Xavier à la fin -en forme de paroxysme- de Casse-tête chinois. Du chaos naît paradoxalement une forme de sérénité! »

L’aspect générationnel de ses films (depuis Le Péril jeune, déjà), Cédric Klapisch n’y « pense bien évidemment pas au moment d’écrire un scénario. » Il n’en reconnaît pas moins son « désir de capter une époque, par une observation attentive, une manière de travailler très documentée, entre la sociologie et le journalisme, pour nourrir mon scénario. » Si le terme « générationnel » s’est imposé à propos de ses films, c’est « sans doute à cause de ça, parce qu’aussi je ne m’intéresse pas à la psychologie comme tant d’autres réalisateurs, parce que je tente de saisir la vie telle qu’elle se vit. Jusqu’aux tout petits détails qui inscrivent plus l’époque dans un film que les grandes démonstrations. Parce que ces détails, dans dix ans, ils auront changé du tout au tout… »

Klapisch ignore encore ce que sera son prochain film. « J’aime ces moments flous où plein de choses restent possibles. Je suis un capteur, j’essaie de voir ce qui me meut (1), ce qui me fait réagir. C’est une période assez désagréable parce que je suis un peu à vif, mais en même temps agréable parce je suis constamment à l’écoute. Et comme j’ai le privilège d’écrire moi-même mes films, tous mes désirs sont possibles… »

(1) « CE QUI ME MEUT » EST JUSTEMENT LE NOM DE LA SOCIÉTÉ DE PRODUCTION ANIMÉE PAR CÉDRIC KLAPISCH AVEC SON COMPLICE BRUNO LÉVY.

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