Carne y arena, quand Inarritu fait partager l’expérience de réfugiés

L'installation Carne y Arena d'Alejandro G. Iñárritu © Emmanuel Lubezki
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

En dehors des écrans, l’actualité du 70e festival de Cannes, c’est aussi Carne y Arena (Virtually Present, Physically Invisible), installation conceptuelle en réalité virtuelle d’Alejandro Gonzalez Inarritu, déployée à quelques encablures de la ville, dans un vaste hangar de l’aéroport de Mandelieu.

Le réalisateur mexicain a mûri quatre ans ce projet en compagnie notamment du directeur de la photographie Emmanuel Lubeski. Il y explore la condition humaine des migrants et des réfugiés au départ de leurs témoignages, à l’aide d’un dispositif immersif qui invite le spectateur à partager leur expérience.

Concrètement, après avoir longé un mur en tôle identique à celui érigé entre les Etats-Unis et le Mexique (en attendant celui en béton promis par Donald Trump), le spectateur passe par un premier sas, le temps de se déchausser. Un signal d’alarme plus loin, et le voilà qui foule, pieds nus, le sable d’une étendue désertique plongée dans la pénombre, bientôt muni d’un sac à dos, et du casque ad hoc. L’expérience à suivre est d’abord désorientante. Le temps de se familiariser avec l’obscurité et un espace d’où émergent des ombres de cactus et autres, et voilà qu’un hélicoptère, annoncé par le son caractéristique, apparaît, un faisceau lumineux balayant ce bout de désert où courent un groupe de réfugiés, traqués, le visiteur, non moins perdu, parmi eux. Dans un paroxysme de tension, l’espace n’est bientôt plus que phares inquisiteurs, chien hurlant, cris de terreur des uns et admonestations des autres, venus irrésistiblement happer le spectateur. « Je souhaitais pouvoir utiliser la réalité virtuelle pour explorer la condition humaine tout en m’affranchissant du cadre à l’intérieur duquel on ne peut être que simple observateur pour prendre possession de la totalité de l’espace dans lequel je propose au visiteur de vivre l’expérience réelle des migrants, en marchant avec eux, en pénétrant sous leur peau et au plus profond de leur coeur », écrit Inarritu dans sa note d’intention. Expérience aussi déstabilisante que concluante, qui ajoute aux six minutes trente de cette immersion, un « sas de décompression » où ceux dont l’on vient de « vivre » une partie du périple racontent leur histoire face caméra, dispositif achevant de leur donner un visage et un nom, mais aussi une réalité. Fort.

Après sa première au festival de Cannes, l’installation sera présentée pendant huit mois à la Fondazione Prada, à Milan, avant de voyager dans le monde.

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