Critique

Carnage

DRAME | Roman Polanski adapte Yasmina Reza dans un drame en chambre où 2 couples s’écharpent. Un film grinçant, enfermé dans son dispositif théâtral.

CARNAGE, DRAME DE ROMAN POLANSKI. AVEC KATE WINSLET, CHRISTOPHER WALTZ, JODIE FOSTER, JOHN C. REILLY. 1 H 20. SORTIE: 14/12. **

Sous le regard de leurs copains, 2 gamins se chamaillent dans la rumeur incertaine de Brooklyn Park. Le ton n’en finit plus de monter jusqu’au moment où, avisant un bâton, il s’en trouve un pour frapper l’autre au visage. La stupeur passée, on se retrouve entre gens du monde. Les parents de la victime entendent régler l’affaire à l’amiable avec ceux de son condisciple. Rendez-vous est donc pris à l’appartement des premiers, pour une rencontre qui s’engage avec un luxe de civilités, pour ensuite déraper insensiblement. C’est même à un combat de fauves que l’on assiste bientôt, où les postures évoluent à vue, en un crescendo dézinguant dans un même élan hypocrisie, cynisme, politiquement correct, et on en passe…

Il y a assurément, dans cette adaptation que signe Roman Polanski de la pièce Le Dieu du carnage, de Yasmina Reza, l’expression d’une férocité peu banale. Laquelle trouve dans un premier temps devant sa caméra des accents monstrueusement drôles ou encore singulièrement aiguisés. A croire, toutefois, que le propos était plus taillé pour la scène que pour l’écran -ce que semble d’ailleurs accréditer le cinéaste lui-même, qui s’en tient pour l’essentiel à un dispositif voisin du théâtre filmé. Et de signer une mise en scène d’une rare transparence, laissant aux seuls acteurs le soin de traduire les nuances du texte.

Jeu de massacre

Avisé, le réalisateur de The Ghost Writer réunit à cet effet un casting 4 étoiles, soit Jodie Foster et John C. Reilly d’une part; Kate Winslet et Christopher Waltz de l’autre, chargés d’incarner ces 2 couples au bord de la crise de nerfs. Mais ceux-ci donnent bientôt l’impression de s’écharper en pure perte: la surenchère verbale vire rapidement à l’hystérie, sacrifiant le sens sur l’autel de l’escalade et de la caricature. Jusqu’au jeu des comédiens qui s’en trouve d’ailleurs affecté, à des degrés divers: Christopher Inglourious Basterds Waltz, en particulier, se borne à reproduire ad nauseam sa posture d’individu imbuvable (avec, pour le coup, le blackberry en option running gag), là où Kate Winslet confirme son statut de comédienne que rien n’effraye, pas même l’outrance -sauf, bien sûr, à considérer que la voir se vider les tripes sur une table de salon constitue le fin du fin.

Face à eux, le binôme Reilly-Foster offre une version plus mesurée en apparence du déchaînement à l’oeuvre, le film gagnant un surcroît de poids dans leur banalité même, et les tensions qu’elle dissimule. Non que cela change fondamentalement quoique ce soit à l’affaire: ce jeu de massacre à géométrie fluctuante, où l’implosion menace tout autant que l’explosion, tient en définitive de l’exercice grinçant mais un peu vain. S’agissant de Polanski, on ne peut que constater que l’exploration in vitro du genre humain l’aura conduit dans un cul-de-sac; loin, en tout état de cause, des promesses cinématographiques que laissait entrevoir l’ouverture du film…

Jean-François Pluijgers

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