Critique

[Le film de la semaine] Everybody Knows, discrètement virtuose

Penélope Cruz et Javier Bardem dans Everybody Knows, d'Asghar Farhadi. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Pour son huitième long métrage, présenté en ouverture du festival de Cannes ce mardi, Asghar Farhadi a posé sa caméra en Espagne. Chronique d’une disparition.

Premier film tourné hors d’Iran par Asghar Farhadi, Le Passé n’avait que modérément convaincu, comme si la force réaliste du cinéma de l’auteur d’Une séparation s’était diluée à l’horizon français. Cinq ans plus tard, et non sans avoir renoué entre-temps avec ses fondamentaux avec Le Client, le cinéaste persan renouvelle l’expérience, posant cette fois sa caméra en Espagne pour Everybody Knows, son huitième long métrage. L’action se situe dans un petit village perdu dans les vignobles, celui que retrouve Laura (Penélope Cruz), de retour d’Argentine où elle a laissé son mari, Alejandro (Ricardo Darin), pour assister avec leurs deux enfants au mariage de sa soeur. Et de renouer avec sa famille et ses proches, et notamment Paco (Javier Bardem), son ancien compagnon, viticulteur coulant désormais des jours heureux avec Bea (Barbara Lennie). L’humeur est légère, l’atmosphère solaire, l’allégresse contagieuse; à quoi la disparition, le soir de la cérémonie, d’Irene (Carla Campra), la fille de Laura, vient porter un coup d’arrêt brutal. Tandis que chacun se perd en conjectures, des secrets longtemps enfouis remontent bientôt à la surface, l’harmonie qui semblait présider à la petite communauté s’effritant inexorablement…

Mécanique implacable

[Le film de la semaine] Everybody Knows, discrètement virtuose

Comme dans À propos d’Elly, le film qui le révélait en 2009, Asghar Farhadi recourt à une disparition comme élément déclencheur de l’action. Même cause, effets contrastés: mariant le drame psychologique et le suspense, Everybody Knows n’est pas sans avoir quelque consonance hitchcockienne. Pour autant, et même s’il veille à mener le volet thriller à son terme, semant la route de fausses pistes histoire de relancer l’intrigue, ce dernier tient lieu de prétexte à un auteur n’aimant rien tant que s’insinuer sous la surface des choses pour procéder à l’étude de personnages confrontés à une crise qui les dépasse et aux dilemmes qui s’ensuivent. L’absente, en l’occurrence, a le don de faire tomber les masques et de révéler les êtres. À cet égard, ce nouvel essai s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre, et Farhadi confirme être un orfèvre en la matière, trouvant dans ce village et les tensions souterraines qui régissent les relations de ceux qui l’habitent, le cadre idéal pour installer son théâtre moral. Sans atteindre à l’exceptionnelle densité d’Une séparation -un pur chef-d’oeuvre il est vrai-, Everybody Knows est ainsi une incontestable réussite, un film-gigogne où un secret en appelle un autre, la rumeur n’en finissant plus de porter ses effets, dévastateurs, en quelque mécanique implacable. On y verra aussi, accessoirement, le film le plus accessible de son auteur, et pas seulement parce que le duo Penélope Cruz-Javier Bardem y joue au plus juste, évoluant avec naturel face à une caméra discrètement virtuose.

Drame psychologique d’Asghar Farhadi. Avec Penélope Cruz, Javier Bardem, Ricardo Darin. 2h12. Sortie: 16/05. ****

>> Lire également notre interview d’Asghar Farhadi.

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