« C’est important de traiter les jeunes spectateurs comme des personnes à part entière »

Steven Wouterlood: "Je veux à tout prix éviter de faire du cinéma puéril ou faussement cool."
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Avec Ma folle semaine avec Tess, chouette film familial venu des Pays-Bas, Steven Wouterlood a le bon goût de ne pas prendre les jeunes spectateurs pour des imbéciles. Présentations.

Rendez-vous avait été fixé dans le café aux allures de vaisseau spatial de l’EYE, le Musée néerlandais du Film, avec ses grandes baies vitrées offrant une vue plongeante sur les eaux de l’Amstel. Cinéaste né à Utrecht, où il a été formé à l’École d’art, Steven Wouterlood, 35 ans à peine, a désormais élu domicile dans la capitale batave, QG perso qu’il sillonne à vélo mais qu’il a beaucoup délaissé ces derniers mois pour aller défendre son premier véritable long métrage aux quatre coins du globe. Avec un succès certain. Primé notamment à Berlin puis New York, Ma folle semaine avec Tess débarque ainsi aujourd’hui sur les écrans belges auréolé d’une excellente réputation -amplement méritée. Situant son action au coeur d’un été où deux existences candides sont appelées à basculer, cette adaptation d’un roman pour la jeunesse écrit par Anna Woltz adopte le point de vue de Sam, un garçon de onze ans en vacances sur une ravissante île néerlandaise avec sa famille. Obsédé par l’idée que toute chose a une fin, et donc que tous ses proches sont un jour ou l’autre appelés à disparaître, il se lance dans un programme rigoureux d’entraînement à la solitude. Mais sa rencontre inopinée avec l’excentrique et intrépide Tess va l’amener à réévaluer ses angoisses existentielles naissantes à l’aune de nouvelles aventures, pour le moins inattendues… « J’aime les histoires proches du réel, commente Wouterlood. En particulier les récits d’apprentissage où l’on peut parler des liens familiaux, de la naissance de l’amour, ce genre de choses. Je cherche à traiter de sujets graves avec une certaine légèreté, à mélanger les humeurs. J’avais moi-même l’habitude d’aller en vacances dans ces îles du nord des Pays-Bas. Je sais ce que c’est d’être le plus jeune de la famille, de se disputer avec son grand frère. Je me retrouve aussi beaucoup dans la peur précoce de la mort qui habite Sam. »

C’est là, indiscutablement, l’un des points forts du film: divertissement familial visible dès huit ans, Ma folle semaine avec Tess ne se fait jamais gâteux, régressif ou infantilisant, préférant traiter ses jeunes spectateurs avec respect et intelligence. « La mort, mais aussi la sexualité par exemple, sont des thèmes et des problèmes universels. Je pense qu’il est important de traiter de ce genre de sujets avec les enfants également. Et surtout d’appréhender les jeunes spectateurs comme des personnes à part entière. Contrairement à ce que l’on pense trop souvent, je reste persuadé que les jeunes adolescents peuvent faire face à des émotions très complexes et très variées. C’est pour ça que je veux à tout prix éviter de faire du cinéma puéril ou faussement cool. Peut-être que c’est aussi quelque chose qui relève de ma culture: aux Pays-Bas, on n’a pas beaucoup de tabous. D’autres pays ont tendance à privilégier une attitude plus protectrice à l’égard des enfants. Aux États-Unis, par exemple, certaines personnes étaient choquées par le fait que les enfants s’embrassent dans le film. En Russie également. Moi ça me semble juste naturel. »

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Sur un air de salsa

En résulte une fantaisie douce-amère à hauteur d’enfants qui fleure bon la mer du Nord, ses touristes teutons, ses croquettes de poisson et sa sauce ravigote. Mais agrémentée d’une touche quasi hispanisante, un parfum d’exotisme, que viennent souligner une BO et une photo lumineuses et colorées à souhait. « Nous avons tourné sur l’île de Terschelling avec ses plages sauvages, souvent complètement vides, même en haute saison. C’est un lieu qui est resté très authentique. Où l’on peut ressentir une certaine majesté de la nature, où l’on n’a pas construit de grands boulevards, de hauts buildings ou de moche casino. Les paysages sont très cinématographiques là-bas. »

Un seul regret: la discutable qualité du doublage en français, version sous laquelle le film est distribué à Bruxelles et en Wallonie. Mais cette généreuse célébration de la vie dans toute la fugacité des joies qu’elle a à offrir mérite incontestablement que l’on s’y attarde. Le très fameux magazine américain Variety ne s’y est pas trompé, qui plaçait déjà, en janvier dernier, Steven Wouterlood parmi les dix talents européens à surveiller de près. Et pour la suite? Dans un futur proche, ce fan inconditionnel de Boyhood confesse qu’il se verrait bien réaliser un road-movie feelgood dans l’esprit de Little Miss Sunshine. Peut-être sous d’autres cieux… « J’ai beaucoup voyagé par le passé. Je me verrais bien repartir pour tourner quelque chose sur les routes sud-américaines, par exemple. Ou alors faire un film musical sur un jeune chanteur. Je compose et joue également beaucoup de musique. J’adorerais écrire une comédie musicale pour laquelle je signerais toutes les chansons. On verra bien, je ne manque pas d’envies! »

Ma folle semaine avec Tess. De Steven Wouterlood. Avec Sonny Coops van Utteren, Josephine Arendsen, Jennifer Hoffman. À partir de 8 ans. 1h23. Sortie: 18/09. ***(*)

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