Critique

Blue Valentine

ROMANCE | Derek Cianfrance signe un drame intimiste autour d’un couple gagné par le désamour, subtilement incarné par Michelle Williams et Ryan Gosling.

C’est l’histoire d’un jeune couple au sein duquel l’usure s’est installée, insidieuse. La passion qui les unissait s’est consumée avec les années, et cette vie qui les a tout entiers accaparés, elle et lui, Cindy (Michelle Williams) et Dean (Ryan Gosling), entre leurs boulots respectifs d’infirmière et de peintre en bâtiment, et leur fillette, Frankie. Refusant de faire aveu d’impuissance, Dean décide de leur concocter une nuit en amoureux dans un hôtel. Initiative malheureuse, pour le moins: alors qu’ils tentent maladroitement de raviver la flamme de leur amour, les échos de l’époque heureuse de leur rencontre remontent à la surface, polis par le temps encore bien, comme autant de rappels douloureux de ce qui fut et ne saurait plus être.

Auteur, en 1998, de Brother Tied, un premier long métrage remarqué dans le circuit des festivals, Derek Cianfrance a mis plus de 10 ans à boucler Blue Valentine. Si l’on y mesure l’opiniâtreté du réalisateur, il y a là aussi une indication quant à la frilosité du cinéma américain d’aujourd’hui, au-delà de la matière singulière qui compose ce film -un drame intimiste en prise sur l’indicible, ce moment où, insensiblement, les choses nous échappent pour ne bientôt nous laisser à contempler que le souvenir fané d’un bonheur révolu. Le sujet est délicat, Cianfrance opte pour une construction simple mais parlante, opérant des va-et-vient entre passé et présent (filmés l’un en super 16, l’autre en image digitale), en une articulation en miroir baignée de mélancolie, quand ce n’est pas la pure désolation.

Autopsie du désamour

Ce faisant, Blue Valentine produit un effet curieux, alignant les instantanés que l’on croirait volés à ce couple, et s’insinuant, avec une honnêteté viscérale, dans les interstices de leur histoire, dont il semble habiter discrètement jusqu’aux ellipses, pour nous faire partager, en creux, les émotions de ses protagonistes. Le sentiment qui en découle est celui d’une vérité frémissante et profonde -renforcée par la prestation remarquable de justesse de Ryan Gosling et Michelle Williams, lui, résolument économe; elle, toute de tristesse volontaire et désabusée à la fois. Que ne loue-t-on d’ailleurs davantage l’intensité fragile de cette actrice d’exception, dont la seule présence à l’écran vaut scénario, voir l’épatant Wendy and Lucy de Kelly Reichardt, en attendant My Week with Marilyn, où elle campera Miss Monroe?

Autopsie du désamour et de l’agonie d’un couple, Blue Valentine est un film à la résonance diffuse, de ceux avec lesquels le spectateur peut entamer un dialogue intime, en une expérience de cinéma rare comme privilégiée. Plus encore que troublé, on en sort transpercé…

Jean-François Pluijgers

BLUE VALENTINE, ROMANCE DE DEREK CIANFRANCE. AVEC MICHELLE WILLIAMS, RYAN GOSLING, FAITH WLADYKA. 1 H 52. SORTIE: 29/06. ****

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