Blockbusters: l’industrie des effets spéciaux en crise (photos)

Stagiaire Le Vif

Le 24 février dernier, à la 85e cérémonie des Oscars, Life of Pi remportait quatre awards, dont celui du meilleur réalisateur (Ang Lee), mais aussi des meilleurs effets spéciaux (Bill Westenhofer, Guillaume Rocheron, Erik-Jan De Boer et Donald R Elliott). Début 2013, Rhythm & Hues, la société créatrice des prodigieux effets spéciaux du film, avait licencié un tiers de ses employés après avoir déposé un dossier de banqueroute. Quand il a reçu son Oscar, Bill Westenhofer s’apprêtait à évoquer les problèmes financiers que rencontrait la société… Mais la musique de fin de discours (Les Dents de la mer) s’est lancée avant qu’il n’ait pu en dire un mot. Ce n’est qu’après avoir reçu sa statuette qu’il a finalement pu rappeler que « Les effets spéciaux ne sont pas juste une marchandise créée par des personnes appuyant sur des boutons. Nous sommes des artistes, et si nous ne trouvons pas un moyen d’arranger le modèle de cette industrie, nous commencerons à perdre le talent artistique. S’il y a bien quelque chose qui nous montre que les artistes ne sont pas juste des techniciens, c’est Life of Pi. » Le réalisateur Ang Lee a ajouté qu’il aimerait « que l’industrie se simplifie, devienne moins chère et que plus de gens y accèdent » et « qu’elle soit davantage utilisée comme une forme artistique que pour créer des effets pour les films d’action« . Le fait qu’il ne remercie pas Rhythm & Hues dans son discours en a cependant choqué plus d’un.

Les sociétés d’effets spéciaux en chute libre

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, beaucoup de sociétés spécialisées dans les effets spéciaux ont fermé ces trois dernières années: Illusion Arts (Fast and Furious, Miami Vice), Asylum (Sherlock Holmes, Master and Commander), Orphanage (Sin City, The Host), MeteorStudios (Catwoman, Les 4 fantastiques), Digital Domain (Transformers, Le cinquième élément) pour ne citer qu’elles. Le coût exorbitant des effets spéciaux, les énormes investissements nécessaires et le besoin de délocalisation face à la concurrence internationale croissante poussent la tête de ces sociétés chaque jour un peu plus sous l’eau. Par ailleurs, les professionnels qui y travaillent ne sont pas protégés par des syndicats, et ne touchent pas de pourcentage sur les recettes d’un film. Et pourtant, la conception d’effets spéciaux représente des millions de dollars peut représenter jusqu’à la moitié des coûts de la production d’un film.

Ils réclament leur part de gâteau sur le Hollywood Boulevard

Les professionnels des effets spéciaux n’ont pas hésité à montrer leur mécontentement et leur inquiétude. Quelques heures avant la cérémonie des Oscars, 480 personnes ont défilé sur le Hollywoord Boulevard, réclamant leur part du gâteau (« piece of pie« , jeu de mot faisant référence au titre Life of Pi.)

En guise de protestation, des sites comme le Tumblr BeforeVFW ont germé sur la Toile. Le Tumblr précise que son « intention est de mettre en évidence le talent artistique des effets visuels en vous montrant la toile. A une époque où Hollywood ne semble pas faire la différence entre un Oscar des effets spéciaux et de la meilleure photographie, je pense qu’il faut remettre les choses à plat. Sans ce merveilleux travail sur les effets spéciaux par d’authentiques artistes, les films hollywoodiens ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui« . Pour se révolter contre l’injustice dont ils sont victimes, les techniciens des effets spéciaux organisent aussi une manifestation virtuelle, via les réseaux sociaux. Les carrés verts qu’ils affichent en photo de profil font référence à l’important et délicat travail qu’ils produisent pour donner vie aux monstres et autres créatures fantastiques des grandes productions hollywoodiennes.

Adèle Dachy

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