Ben Stassen sur la voie royale

Le nouveau film des studios bruxellois nWave a l'ambition de tutoyer les plus grands de l'animation 3D.
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

La 3D du studio nWave a toujours l’accent belge, même si The Queen’s Corgi y mêle un charme des plus British.

Son studio nWave, situé dans le voisinage du Wiels à Forest, continue à sortir un long métrage tous les 18 mois environ. Le nouveau s’appelle The Queen’s Corgi (Royal Corgi en VF) et confirme l’ambition d’un Ben Stassen plus que jamais décidé à tutoyer les grands de l’animation 3D. Associé à Vincent Kesteloot pour la réalisation d’un film dont il est bien entendu producteur, le natif d’Aubel maintient la dynamique lancée au tournant des années 90 et 2000 avec des films de « rides » pour parcs d’attractions et amplifiée en 2008 avec son premier grand film… et grand succès, Fly Me to the Moon (des mouches y jouaient les passagers clandestins dans un vaisseau spatial américain!).

« La grande question aujourd’hui, outre celle du financement, concerne les scénarios, déclare Stassen. Il y en a très peu d’écrits pour le cinéma d’animation car les grands studios qui dominent l’industrie développent les leurs en interne et que le marché pour un scénariste indépendant est donc très limité. » D’où sans doute la ferme décision prise chez nWave, une fois acquis les droits d’un scénar écrit par deux Britanniques, de ne pas reculer même au prix d’un divorce avec l’investisseur Studio Canal, ce dernier s’étant lié avec un producteur à succès (David Heyman, de Harry Potter et Paddington) ayant dans ses projets un autre film sur les chiens de la reine d’Angleterre… « Il fallait foncer!« , affirme un Ben Stassen auquel les superbes résultats de The Queen’s Corgi dans le premier pays où est sorti le film (les Pays-Bas) semblent déjà donner raison. De toutes façons, tout se jouera, comme chaque fois, à l’international. « Vingt millions, c’est un gros budget vu de Belgique, commente notre interlocuteur, mais ce n’est pas grand-chose comparé aux sommes dépensées pour un de leurs films par Disney, Pixar et les autres grands studios. Or c’est avec eux que nous voulons entrer en compétition! » De l’ambition, Stassen et sa société en ont à revendre. Même si le sens de l’économie ne peut être ignoré dans les limites budgétaires d’un film comme The Queen’s Corgi. À charge pour le boss de décider des priorités, par exemple cette fois en renonçant à reproduire la foule habituelle autour de Buckingham Palace pour concentrer les moyens sur quelques beaux défis comme fignoler les images de glace, de feu et de mousse d’extincteur, superbement rendus, qui frappent le regard bien plus que ne l’auraient fait une kyrielle de passants anonymes.

Ben Stassen sur la voie royale

Donald Trump, l’invité surprise

Chaque détail compte, du choix des voix (Guillaume Gallienne prête la sienne à Rex, le héros, dans la version française) à celui de la musique. Ramin Djawadi, que Stassen avait lancé à ses débuts et qui est devenu le compositeur star de Game of Thrones, signe la partition de The Queen’s Corgi pour le quart de son cachet hollywoodien désormais à six chiffres. Les clins d’oeil comptent aussi, comme la référence délectable à Mister Magoo(1) opérée sous la forme d’un vieux serviteur chauve assigné au royal chenil. « C’est le genre de détail qui contribue à s’adresser aussi aux spectateurs plus âgés, comme aussi le fait que les personnages de la reine, du prince Philip, de Donald Trump et de son épouse, sont la caricature directe des vrais. » Ben Stassen a acheté le scénario quelques semaines avant les élections à la présidence des États-Unis. Comme la plupart des observateurs, il ne s’attendait pas à voir Donald Trump en sortir vainqueur. « Je crois que ç’aurait été bien aussi avec Hillary Clinton et son mari Bill, j’avais quelques idées à ce sujet déjà, sourit le réalisateur, mais bien sûr avoir Donald Trump offrait d’autres possibilités! » Mauvaise nouvelle pour l’Amérique et le monde, l’arrivée du milliardaire aux cheveux jaunes à la Maison-Blanche fut une bonne nouvelle pour le film, où l’extravagance bling-bling du personnage ne manque pas d’inspirer une entrée spectaculaire dans l’univers feutré de la royauté British. Cette dernière fournissant un matériau fécond, comme en attestent les 20 millions de vues en quinze jours de la bande-annonce de The Queen’s Corgi suite à sa mise en ligne au Royaume-Uni. Quant à la suite, ce sera… une suite. « Je n’aime pas les numéros 2, en principe, mais nous allons faire une exception« , nous confie Stassen, tout en annonçant le prochain film nWave, où nous retrouverons Adam, le héros de Son of Bigfoot (sorti en 2017) et ses potes animaux. Rendez-vous dans 18 mois!

(1) Personnage de dessin animé âgé, super myope et bougon, créé à la fin des années 1930 par l’animateur américain John Hubley.

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