Beats: « Nous avons organisé une vraie rave, rien à voir avec la manière conventionnelle de filmer une party »

Brian Welsh: "Nous avons organisé une vraie rave, rien à voir avec la manière conventionnelle de filmer une party."
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Brian Welsh célèbre la scène techno, l’énergie, la jeunesse et la rébellion dans un récit d’apprentissage ancré dans l’Écosse du milieu des années 90.

Film sous haute énergie, Beats, de Brian Welsh, plonge le spectateur au coeur de l’effervescence des rave parties qui devaient fleurir en Grande-Bretagne au mitan des années 90, en dépit d’une répression croissante, célébrant à grand renfort de techno un hédonisme nourri d’esprit de rébellion. Qualités incarnées par Johnno et Spanner, deux ados écossais semblant prêts à tout pour assister à l’un de ces grands raouts illégaux -le nerf d’un récit d’apprentissage dépotant.

À l’origine de ce dernier, un one-man-show de Kieran Hurley, découvert par le réalisateur dans un théâtre londonien: « Une amie m’avait invité à y assister, connaissant ma passion pour la scène musicale de l’époque, en Écosse en particulier. Je ne savais pas quoi attendre, et j’ai découvert ce jeune homme installé à une table avec un micro et un DJ derrière lui, et un écran pour les visuels. L’histoire de ces deux ados m’a tout de suite parlé, tant par les émotions qu’elle charriait que par son côté cinématographique. Le soir-même, j’ai fait la connaissance de Kieran, nous sommes devenus amis et nous avons commencé à adapter son monologue en une histoire à plusieurs voix. » Originaire d’Aberdeen (mais résidant désormais dans les Cornouailles, passion du surf oblige), Brian Welsh a grandi au son de la techno des nineties, comme il le confie dans un large sourire à l’occasion du festival de Gand. « J’ai intégré cette scène un peu plus tard que l’action du film, en 1996. Un type avec qui je travaillais dans un café a gagné un peu d’argent à la loterie et a acheté la cave d’un hôtel. Il y a fait venir tous les DJ de Detroit, des gens comme Carl Craig et Jeff Mills sont venus mixer, parfois pour cinq personnes un mardi soir. C’est là que j’ai découvert cette musique incroyable et noué des amitiés qui durent encore aujourd’hui. »

Brian Welsh
Brian Welsh© PIET GOETHALS

Une loi anti-beats répétitifs

Accompagnant ses deux protagonistes dans leur quête d’un graal hypothétique, Beats revisite un genre bien balisé, la coming of age story, et Welsh cite Superbad comme Dazed and Confused parmi ses inspirations. On y ajoutera Trainspotting, question de cadre spatio- et socio-temporel, mais aussi pour cette énergie à même de tout bousculer, la loi comme le reste, le Criminal Justice and Public Order Act dans sa section visant spécifiquement les raves et les « repetitive beats » (sic) en particulier. « C’était un règlement absurde, essayant de mettre hors-la-loi un genre de musique sans rien y entendre. Plusieurs groupes ont préféré y réagir avec espièglerie: The Prodigy, par exemple, a enregistré (Fuck’em and) Their Law, et il y en a eu d’autres. » Et le réalisateur de souligner combien cet esprit volontiers frondeur a su résister au temps – « si cette histoire me semble toujours pertinente, c’est aussi parce qu’on retrouve une attitude semblable dans un mouvement comme Extension Rebellion. Je trouvais intéressant de pouvoir comparer ce qu’on vivait alors à ce qui se passe aujourd’hui. Le film évoque des attaques contre la musique ou la culture rave, mais ce sont aussi des attaques contre la culture du travelling, les mouvements communautaires, les outsiders, le droit de se rassembler ou de manifester. La contre-culture, les mouvements reposant sur la notion d’unité sont plus importants que jamais dans un contexte d’adversité politique, histoire de dégager de nouvelles voies… »

Beats:

Pour traduire l’effervescence d’alors, Brian Welsh a opté principalement pour le noir et blanc – « le mieux à même de coller à l’esthétique et à l’esprit de l’époque et de cette communauté, relève-t-il. Mais aussi parce que je tenais à me détacher d’un certain réalisme social, je ne voulais pas de ce côté paternaliste que l’on retrouve souvent dans le cinéma social britannique. J’ai toujours considéré que ces personnages étaient plus grands que la vie. » Comme l’est, d’ailleurs, la rave géante valant au film un climax mémorable: « Nous avons organisé une vraie rave, rien à voir avec la manière conventionnelle de filmer une party. C’était le seul moyen de rendre l’expérience authentique, le tout étant de garder un certain contrôle sur le cours des événements. Avec JD Twitch, nous avions une idée très claire de la musique que l’on y entendrait, et je disposais d’archives vidéo comme références. Nous avons chorégraphié la soirée, et avons répété, en croisant les doigts pour que les dizaines de figurants retrouvent l’exubérance qui régnait dans ces soirées. » Pari relevé haut la main…

Beats

De Brian Welsh. Avec Lorn Macdonald, Cristian Ortega, Laura Fraser. 1h41. Sortie: 13/11. ***(*)

Avec Beats, le cinéaste écossais Brian Welsh tente la fusion de deux genres: le récit d’apprentissage à la Stand By Me et le film musical façon 24 Hour Party People. Soit, dans le morne horizon d’une petite ville ouvrière écossaise au milieu des années 90, l’histoire de Johnno et Spannner, deux ados tentant de survivre à l’ennui abyssal, et entreprenant un jour d’assister à une vaste rave illégale -l’époque est à l’infamant Criminal Justice Act. Et qui, partant, vont se retrouver embarqués dans une aventure dont ils ne mesurent pas toutes les conséquences. S’il ne s’écarte pas d’un schéma narratif plutôt convenu, Beats réussit à capter, dans un noir et blanc de circonstance, l’énergie de la scène techno, de même que son élan rebelle et libérateur, culminant dans une mémorable scène de party. Ajoutez à l’alchimie unissant Cristian Ortega et Lorn Macdonald une bande-son imparable, de The Prodigy à Liquid Liquid, et voilà un film à voir aussi fort que possible…

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