Avant-première Tintin: le cirque Spielberg

Le réalisateur américain était à Bruxelles avec une partie de l’équipe du film Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne. Reportage écrit et vidéo des deux côtés de la barrière Nadar.

Vendredi, Rue de l’Étuve, dans le centre de Bruxelles. Gros attroupement, crépitement de flashs. Jamie Bell, le Tintin de Spielberg, est attendu pour un photocall (passage obligé devant une meute de photographes qui hèlent la vedette) à 16h50. Il est le seul membre de la Spielberg Connection à être arrivé la veille de l’avant-première, et à avoir pris une chambre à l’hôtel Amigo -les autres s’adonneront au jeu de la bénédiction du film urbi et orbi à leur sortie d’avion ce samedi. Mais la foule qui se presse dans cette saignée de la Grand-Place n’est en réalité par là pour voir l’ancien petit Billy Elliott, mais bien pour mitrailler le Manneken Pis. Quelques mètres plus loin, Jamie Bell récolte beaucoup moins de succès. Intrigués par l’animation qui l’entoure, quelques passants s’interrogent quand même sur son identité. Mais répondent « connaît pas » quand on la leur précise.

Celui qui prête sa gestuelle à la performance capture du personnage d’Hergé prend d’ailleurs rapidement congé des photographes pour aller se balader sur la Grand-Place, dans l’anonymat le plus complet.

À 24 heures de l’événement, on est encore loin de l’hystérie médiatique et populaire.

Changement de tonalité le lendemain matin, devant l’hôtel Amigo, où les badauds se pressent contre des barrières Nadar. En pestant copieusement contre le service d’ordre dépêché sur place: « J’ai fait Berlusconi, j’ai fait Schröder, j’ai fait les plus grands chefs d’Etats, et ils n’avaient pas besoin de tout ce cirque », peste un chasseur d’autographes.

Tout ce cirque: un check point policier pour entrer dans le périmètre de l’hôtel, une vérification d’identité à l’entrée de l’Amigo, une troisième à la porte de la salle où débarquent Steven Spielberg, la productrice Kathleen Kennedy, Gad Elmaleh, Jamie Bell et le spécialiste en effets spéciaux Joe Letteri. Devant une centaine de journalistes internationaux (USA, Japon -dont la représentante s’était coiffée pour l’occasion comme Tintin-, Autriche…) et une trentaine de cameramen et photographes, ils se plient de bonne grâce au jeu des questions (entendues 100 fois)/réponses (idem).

Comment est-ce de travailler avec Peter Jackson (« great »), êtes-vous anxieux (« of course »), Tintin ressemble-t-il à Indiana Jones (« They’re not super heroes, they’re people »), Hergé aurait-il aimé le film (« I think so »), pourquoi Bruxelles (« A way to say thank you »)…?

On y apprendra quand même que si Spielberg s’est entouré d’une équipe essentiellement non-américaine, c’est parce qu’il n’a pas pu trouver d’Américains qui ont lu tout Hergé, et qu’il voulait travailler avec des gens familiarisés à son oeuvre: « Ceux qui sont nés avec Tintin sont à mon sens les plus à même de lui donner vie ». Qu’il n’a pas souhaité injecter une histoire d’amour aux aventures de Tintin parce qu’elles n’ont rien à faire dans son univers, « que ça ne nous intéressait pas de l’utiliser comme un outil commercial pour appâter le public, et qu’il devait conserver sa pureté ». Et qu’il conseille de visionner la version doublée en français à ceux qui, par la voix d’un journaliste français, regrettent que l’adaptation sur grand écran des aventures de Tintin n’ait pas été réalisée par un Français. « En plus, Tintin n’est pas français mais belge », devra préciser Gad Elmaleh, à qui cette question était adressée.

Aux abords de l’hôtel, les curieux se font de plus en plus nombreux. Mais l’équipe ne leur accordera rien, pas un mot, pas un regard -elle est sortie par une porte dérobée, et a sauté dans une voiture aux vitres teintées pour rejoindre la Place de Brouckère. Le seul fan à avoir pu approcher le réalisateur du film étant Didier Reynders, qui lui a remis l’insigne de Commandeur de l’Ordre de la Couronne, que Spielberg arborera fièrement (?) devant le public de l’UGC, au-dessus de sa cravate.

Alors que l’assistance se disloque rue de l’Amigo, elle enfle sur une Place de Brouckère entièrement fermée à la circulation et dédiée à l’événement. Même la célèbre enseigne Coca-Cola qui coiffe le bâtiment Dexia a été remplacée par des personnages du film.

Poubelles, muret, poteaux: tous les socles sont bons pour apercevoir les stars sur le red carpet. Et quand on pénètre dans la salle de cinéma où le long-métrage est présenté en première mondiale, on n’est pas loin de penser que tout ceci est un poil grandiloquent, un brin exagéré. Après tout, ce n’est qu’un film.

Mais quand Steven Spielberg en donne le coup d’envoi par « As we say in our jobs: Action! », le public se rend immédiatement compte que Les Aventures de Tintin – Le Secret de la Licorne n’est pas qu’une version animée de ses tribulations destinée à actionner le bras mobile du tiroir-caisse. C’est surtout le plus bel hommage qu’on aurait pu rendre à l’oeuvre d’Hergé, une prouesse technologique dotée paradoxalement du charme fou du petit artisanat, un long métrage excitant, qui pétarade de partout, et qui replonge instantanément en enfance.

As we say in our jobs: well done! Ca valait bien « tout ce cirque ».

Myriam Leroy

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