Van Gogh, autoportrait en produit dérivé

Une expérience bien éloignée de la peinture de Van Gogh, elle, confrontation directe avec la vie. © Chadi Abou Sariya
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

À Bruxelles, la Bourse accueille Van Gogh: The Immersive Experience, un divertissement multimédia censé propulser le visiteur au coeur de l’oeuvre du peintre. Plat et opportuniste.

Les images habillent la moindre frise des imposants murs de la Bourse sur fond de bande-son envoûtante, de notes comme en apesanteur. On connaît cette imagerie par coeur. Elle est consacrée au point de – miracle! – pouvoir faire l’économie des vrais tableaux: damiers de céréales frissonnant sous le vent, train parcourant la plaine, portraits mélancoliques, fleurs dans un vase… C’est beau comme un mug signé par Van Gogh Museum Entreprises, filiale du musée Van Gogh d’Amsterdam spécialisée dans les produits dérivés. A la différence qu’ici – technologie oblige – ça bouge et prend vie grâce au miracle du mapping vidéo. De l’eau s’écoule d’une toile à une autre, de la fumée se répand, des visages se dissolvent pour en former d’autres, des personnages allongent les bras par-delà les cadres pour se prendre la main. Cette illusion digitale est servie par un décor indigent: trois malheureux tournesols géants en plastique et à peine plus de poufs déplumés gisant sur le carrelage froid. Dans des pièces annexes, une reconstitution cheap d’une pièce dans laquelle vécut Van Gogh mais aussi un film qui déroule les commentaires en anglais d’un expert revenant sur son incroyable capacité à exprimer la souffrance humaine. En face, un atelier invite les enfants à dessiner selon leur inspiration avec, en guise de carotte warholienne, la promesse de voir leur oeuvre rétroprojetée sur grand écran. Plus loin, affublé d’un masque 3D, le visiteur entreprend en solo une balade virtuelle sur les pas du génie néerlandais. Eprouvante pour l’estomac sensible malgré son rendu approximatif, la promenade est une boucle ayant pour point de départ et d’arrivée la fameuse chambre d’Arles. On s’avance prudemment le long d’un chemin ponctué de stations attendues façon « nuit étoilée » et autre « champ de blé avec cyprès ».

Champ de blé ou chant du blé? La question mérite d’être posée lorsqu’on découvre la dernière étape du parcours: une boutique où s’entassent, du parapluie au torchon, le marchandising le plus trivial. Imaginée par deux sociétés belges – Exhibition Hub et MB Presents -, cette Immersive Experience n’a pourtant rien d’arrogant. Les organisateurs revendiquent un « divertissement familial » n’ayant d’autre ambition que de « faire descendre l’art classique de son piédestal » pour, in fine, « créer une proximité entre le visiteur et l’oeuvre elle-même ». Hélas, chacun sait que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Cela se confirme car, en réalité, rien n’est plus éloigné de l’épaisseur de la peinture et de l’inimitable touche texturée du prodige batave que cette pluie d’effets spéciaux. A aucun moment les simulacres donnés à voir ne mènent le regardeur vers l’essence même de la peinture de Van Gogh qui est une confrontation directe avec la vie. Le moment est peut-être opportun de rappeler un autre Van Gogh, celui de Maurice Pialat. Un film de 1991, sans compromis ni ride, dans lequel le moindre élément de décor était réglé pour suggérer l’évidence obsessionnelle qui guidait l’artiste : pour lui, tout était peinture et la peinture était tout… Sauf une marchandise.

Van Gogh: The Immersive Experience: au palais de la Bourse, à Bruxelles, jusqu’au 6 janvier prochain. www.expovangogh.be.

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