Scènes: Okidok, duo ad hoc

Kabaret Social Club. © thomas freteur
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Les clowns tournaisiens d’Okidok ouvriront le prochain Royal Festival de Spa avec leur Kabaret Social Club. L’occasion de tirer le portrait de ce duo aux trente ans de scène.

Une heure et cinq minutes. C’est la durée du trajet de train entre la gare de Tournai et celle de Bruxelles-Midi. Un train que Benoît Devos et Xavier Bouvier filaient prendre après les cours pour se rendre à l’Ecole sans filet, l’école de cirque installée chaussée de Boondael, à Ixelles. Deux fois par semaine, de 19 à 21 heures, ils suivaient le cours d’acrobatie de Philippe Vande Weghe – aujourd’hui directeur de l’Esac, l’Ecole supérieure des arts du cirque dont l’Ecole sans filet est l’ancêtre. Benoît faisait en prime du trapèze volant et de la magie, ce qui lui valait deux ou trois allers-retours hebdomadaires en plus. De vrais mordus. Des acharnés.

On n’a jamais voulu se définir parce que pour nous, se définir, c’est se limiter.

La passion du cirque, les deux adolescents l’ont chopée à la Piste aux espoirs, un festival créé à Tournai en 1988 et qui prenait au départ la forme d’un concours ouvert aux circassiens amateurs. Benoît et Xavier, qui se sont rencontrés sur les bancs de l’école, ont suivi des stages pour apprendre à jongler et ont monté un numéro avec l’aide d’un enseignant par ailleurs magicien, y participent à l’âge de 14 ans. Il y a trente ans exactement. Aujourd’hui, les trois spectacles de leur duo Okidok tournent toujours, après avoir sillonné une trentaine de pays, et leur Kabaret Social Club ouvrira le prochain Royal Festival de Spa, ce 31 juillet, pour une édition spécialement adaptée aux mesures sanitaires (1).

Avec ou sans nez rouge

Au moment où Xavier Bouvier et Benoît Devos se lancent pour la première fois sur scène, le cirque est à un tournant. Des compagnies comme le Cirque Bonjour, le Cirque Plume et Archaos connaissent un succès grandissant avec des spectacles – quasiment – sans animaux et où les numéros ne s’enchaînent pas sous la présentation d’un Monsieur Loyal mais s’intègrent à un ensemble, pour raconter une histoire, développer un univers. Du  » nouveau cirque « . Plus théâtral. Dans cette perspective, le duo tournaisien se forme doublement : comme comédiens, à l’Ecole internationale de théâtre Lassaad, à Bruxelles, puis comme circassiens à la célèbre Ecole nationale de cirque de Montréal.  » On a passé l’audition par vidéo, se souvient Benoît. On avait pris le parti de ne pas payer un billet d’avion pour passer l’audition sur place. On s’est filmés avec un caméscope et on a envoyé notre cassette VHS où on enchaînait des pompages, des abdominaux, des tractions… Il fallait montrer que nous avions les capacités physiques pour faire du main à main.  »

Au Québec, les deux compères se perfectionnent en acrobatie mais aussi en clown, dans la toute nouvelle section de l’école. Alors que l’attirail du clown à l’ancienne n’a plus la cote, ils osent aller à contre-courant : en deuxième année, ils sortent le pif cramoisi, le maquillage et les pompes démesurées.  » La question nous taraudait : est-ce que c’est ringard ou pas ? se rappelle Xavier. Nous, on voulait retourner vers le personnage du clown emblématique parce qu’on aimait beaucoup ça. A la Maison de la culture de Tournai, quand on était ados, on avait vu Slava Polounine, clown russe issu du Théâtre Licedei, Buffo, le clown de l’Américain Howard Buten, les Nouveaux Nez…  »

Slips Inside.
Slips Inside.© leo mauger

Okidok sort son premier spectacle, Ha Ha Ha, créé à Tournai en 2001 et joué à Avignon en 2002, au Théâtre des Doms fraîchement fondé. Sous un chapiteau miniature, le duo enchaîne les courses en pieds à pieds, empilements et écroulements, coups de porte au visage et coups de pied au cul.  » On est partis d’objets, explique Benoît. Des caisses en carton, une petite barrière en bois, une porte qui tournait sur son axe… Des objets qui nous semblaient particulièrement intéressants et dont on a cherché les mécaniques possibles.  » Ha Ha Ha est un succès. A ce jour, le spectacle comptabilise plus de 600 représentations à travers le globe, et il continue sa route.

En slip

Si Howard Buten, le  » roi des clowns  » Grock ou encore Bonaventure Gacon, qui lança son clown grinçant lui aussi avec nez rouge simultanément à la création de Ha Ha Ha, ont conservé le même personnage tout au long de leur carrière, les Tournaisiens d’Okidok ont choisi de ne pas rester figés dans un costume, une attitude. Pour Slips Inside, proposé à Avignon en 2009, ils débarquent en slip kangourou blanc, se permettant juste de grosses lunettes, un bonnet d’aviateur et quelques perruques.  » On change de clown, précise Benoît. On n’a jamais voulu se définir parce que, pour nous, se définir, c’est se limiter.  »

Dans Slips Inside, les deux garçons se présentent en acrobates désireux de montrer au public leurs plus exceptionnelles prouesses.  » Mais comme ce sont des clowns, forcément, ça dérape, lance Xavier. Ils sont prétentieux, ils se cassent la figure, l’acrobatie tourne à la cascade.  » Ici, l’interaction avec les spectateurs est permanente.  » On dit que dans l’écriture clownesque, il y a une ligne d’écriture supplémentaire : la relation avec le public. Avec les clowns, il n’y a pas de quatrième mur.  » Pas de quatrième mur non plus dans leur Kabaret présenté à Spa, mis en scène par Charlie Degotte, où ils sont à la fois clowns-acrobates et présentateurs des autres artistes, accompagnés d’un orchestre live, de Daniel Hélin en guest, d’une chanteuse et d’un gorille garçon de piste. Une version spéciale Covid qui compense un peu les annulations causées par la pandémie. Rien qu’en juin, Okidok devait se produire en Colombie, en Italie, en Espagne, en France et en Suisse. Les clowns wont encore du succès, avec ou sans nez rouge.

(1) Okidok, Kabaret Social Club : le 31 juillet et le 1er août au Parc de Sept Heures à Spa, dans le cadre du Royal Festival, du 31 juillet au 16 août.

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