Picasso « bleu et rose » : la palette fabuleuse d’un génie ambitieux

Emmanuel Macron et son épouse au musée d'Orsay © REUTERS
FocusVif.be Rédaction en ligne

Ils sont tous là ou presque, exceptionnellement réunis au Musée d’Orsay à Paris, les tableaux de jeunesse des fameuses périodes « bleue » et « rose » de Pablo Picasso : un hommage au génie multiforme d’un jeune peintre ardent et mélancolique que tout inspirait.

D’une année 2018 qui a vu une floraison d’expositions thématiques sur le peintre espagnol, « Picasso. Bleu et rose », à partir de mardi et jusqu’au 6 janvier, est le point culminant.

Les Musées Picasso, d’Orsay et de l’Orangerie ont joint leurs forces avec la Fondation suisse Beyeler. Des prêts exceptionnels sont venus du Museu Picasso de Barcelone, de musées américains, suisses, russes, de collections privées. Jamais en France cette période clé du peintre n’avait été exhaustivement traitée.

Plus de 300 oeuvres: 80 peintures, 150 dessins, quelques sculptures. Quelques tableaux aussi restituant le regard des autres sur lui. Les thèmes du sexe et de la mort sont très présents tout au long de ces oeuvres de jeunesse, marquées par l’influence de maîtres anciens et contemporains.

Laurence des Cars, directrice du Musée d’Orsay, salue « la première exposition en France à traiter d’une période négligée par les historiens d’art, qui permet de réévaluer ce premier Picasso ».

« On va découvrir le premier Picasso entre 18 et 25 ans, d’avant le cubisme. Tout est en germe. Il est non seulement le maître inégalé du XXe siècle mais aussi un enfant du XIXe », souligne Stéphanie Molins, l’une des commissaires de l’exposition.

– Mains expressives –

« Une exposition emplie d’une forme de bonheur mais aussi de mélancolie, dans l’air du temps », note Laurent Le Bon, commissaire général et président du Musée Picasso.

Et pourquoi à Orsay? « Elle ne pouvait qu’être ici! » s’exclame-t-il.

En octobre 1900, à 18 ans, Pablo Ruiz débarquait à la gare d’Orsay pour représenter son pays à la section espagnole de peinture de l’Exposition universelle. Dans cette période, tirant le diable par la queue, il fait la navette entre Paris et Barcelone, entre la découverte des avant-gardes, parisiennes et barcelonaises, et un registre plus classique que souhaitait son père, professeur de dessin.

Entre 1900 et 1906, la peinture de Picasso est d’abord richement colorée et ombrée, puis devient presque monochrome, dans les teintes bleutées, puis s’élargira à des tonalités ocres et roses.

« Les murailles les plus fortes s’ouvrent sur mon passage », a-t-il écrit fièrement. Il s’inspire de David, Daumier, Ingres, Courbet, Manet, Toulouse-Lautrec, Degas, Le Greco, Goya, Van Gogh, d’autres… Mais réussit à trouver son style, une profondeur particulière, dans l’émotion des visages, des corps, des mains même, particulièrement expressives.

« Yo Picasso »

En 1901, celui qui signait d’un discret « P.R.Picasso », signe « Yo Picasso » un portrait où il apparait sûr de lui. Depuis son arrivée à Paris, il se représente en bourgeois à chapeau haut-de-forme, puis en bohème.

Une expérience fondamentale ressort: celle de la mort de son ami peintre Carles Casagemas, qui se suicide dans un restaurant de Montmartre d’une balle dans la tête pour un amour malheureux. La légèreté s’estompe.

Plusieurs masques mortuaires du cher ami défunt, blessure à la tempe, sont impressionnants de tragique. Tout comme les portraits de femmes souvent pathétiques, dont des prostituées recluses avec leur enfant dans une prison.

Ce chemin conduira au chef d’oeuvre absolu, « La Vie » (1903), en pleine période bleue, où Casagemas figure, enlacé par une femme nue, devant une mère portant un enfant, allégorie du cycle de l’enfance à la mort. D’autres oeuvres portent cette gravité précoce, comme le dessin pour l’illustration du poème « Ser o no ser ».

Des scènes érotiques, et la série célèbre et poétique des Saltimbanques, laissent le visiteur entrer dans la période rose, où surgissent, dans la dernière salle de l’exposition, des nus aux formes annonçant le cubisme.

« On a dit de Picasso que ses oeuvres témoignaient d’un désenchantement précoce. Je pense le contraire. Tout l’enchante et son talent incontestable me parait au service d’une fantaisie qui mêle le délicieux et l’horrible, l’abject et le délicat », écrira un de ses admirateurs, le poète Guillaume Apollinaire. Une boulimie créatrice à laquelle rend honneur cette rétrospective.

AFP

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