Photothèque idéale

© MARK STEINMETZ
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Puisqu’il est à nouveau question de rêver à distance, le Charcoal Book Club est le bon plan pour qui désire s’initier à la photographie contemporaine.

C’est une tendance lourde qui pèse de tout son poids sur l’époque: désormais les livres photo sont tout aussi importants que les tirages originaux. Ils acquièrent une valeur semblable. Pour preuve, nombreux sont les amateurs qui traquent les éditions rares aux quatre coins du monde. À titre d’exemple emblématique, on évoquera la paradoxale valeur -2000 euros à tout le moins- de l’édition française du célèbre The Americans de Robert Frank. Paru en 1958, soit deux ans après le périple états-unien du photographe, ce « livre à images », comme on désignait ce genre de volumes à l’époque, ne s’apparente pourtant à rien de moins qu’une trahison en bonne et due forme. On sait aujourd’hui que l’éditeur, Robert Delpire, avait prescrit un format et un préfacier pas vraiment au goût de l’auteur, lui qui s’était déjà imposé une sélection aux allures d’équation redoutable: seulement 83 clichés parmi 27.000 images en provenance de 767 pellicules dégainées en 13 mois d’errance. Pas envie de rater le nouveau Robert Frank? Créé en 2018, le Charcoal Book Club se découvre comme un principe d’abonnement -pour 65 dollars et les frais d’expédition, les membres reçoivent chaque mois une monographie signée et un tirage de collection de l’artiste- ayant en ligne de mire la sensibilisation à la photographie contemporaine. On doit cette initiative à Jesse Lenz. Après trois années à parcourir le pays de l’oncle Sam avec sa femme et ses trois enfants dans une caravane Airstream, ce photographe américain décide de se fixer. Il se rend alors compte que ce sont les livres de photographie qui lui ont le plus manqué durant son périple. Après de nombreux achats décevants, l’intéressé comprend l’importance d’un travail de curation en raison de la surabondance de l’offre. Il lance alors son initiative en s’inspirant de Vinyl Me, Please, un concept similaire appliqué à la musique.

Culture visuelle

On doit à Lewis Baltz, talent réputé de la New Topography, une belle définition du livre photo qu’il situe sur un « vaste territoire quelque part entre la nouvelle et le film« . Il est vrai que ces ouvrages témoignent d’un pouvoir d’évocation considérable, ce « génie propre » qu’évoque Roland Barthes dans La Chambre claire. Les dernières parutions du club ne démentent pas cette puissance. On pense en particulier au travail d’Alessandra Sanguinetti qui, après ses incroyables tableaux visuels autour de l’enfance et de son goût pour l’imagination (le remarquable Les Aventures de Guille et Belinda et la signification énigmatique de leurs rêves), a publié, pour l’envoi du mois de septembre, un opus mettant à nouveau en scène les deux cousines argentines. Cette fois, le réel s’invite sans transition à la faveur d’une grossesse et d’une maternité aussi précoce qu’inattendue. L’histoire bouleverse qui, en plus de capturer leurs aspirations, révèle le passage assassin du temps. La prochaine parution de décembre s’annonce tout aussi émouvante. Il s’agit de la réédition sous forme de trilogie du sublime South Central, perle intensément poétique de Mark Steinmetz parue en 2006. Héritier de la street photography, Steinmetz rend compte comme personne du caractère à la fois dérisoire et sublime de l’existence.

Charcoal Book Club ****

www.charcoalbookclub.com

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