Macbeth: remords éternels

Macbeth, version Akira Kurosawa, dans Le Château de l'araignée. © dr
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Le théâtre royal du Parc et le théâtre Varia, à Bruxelles, s’apprêtent tous deux à recevoir l’un des plus grands classiques shakespeariens: Macbeth, tragédie de la soif du pouvoir stimulée par l’irruption du surnaturel. Un indémodable décliné sous toutes les latitudes.

Au Parc, dans la mise en scène de Georges Lini, le rôle-titre sera confié au grand Itsik Elbaz, qui fut un éclatant empereur Caligula cet été dans les ruines de Villers-la-Ville. Au Varia, Michel Dezoteux a, lui aussi, fait appel à l’un de ses fidèles comédiens: Karim Barras, vu en flic arriviste dans la saison 2 de La Trêve, et qui clôt ici avec son metteur en scène une trilogie sur la folie (après Hamlet et Woyzeck). Les deux acteurs s’inscrivent ainsi dans une lignée, ininterrompue depuis le xviie siècle, d’artistes ayant porté ce rôle mythique, à la suite notamment de Laurence Olivier et Ian McKellen. Car, au même titre que Roméo et Juliette ou Le Roi Lear, Macbeth fait partie de ces pièces auxquelles le génie de Shakespeare, dépeignant avec clairvoyance les dilemmes humains, a permis de traverser sans heurts les siècles et les kilomètres. Petit diaporama non exhaustif.

Vaudou et Bollywood

A tout juste 20 ans, bien avant de réaliser Citizen Kane et de signer sa propre version cinématographique de la pièce (il adaptera également Othello et Falstaff), Orson Welles faisait date en 1936 avec ce que l’histoire a surnommé le « Voodoo Macbeth ». Déplaçant l’intrigue de l’Ecosse moyenâgeuse à une île des Caraïbes, Welles avait constitué un casting de comédiens afro-américains – 150 personnes au total – pour monter ce classique au Lafayette Theater, à Harlem. Un geste tellement surprenant que des émeutes, alimentées par des rumeurs de parodie « burlesque » tournant les acteurs noirs en ridicule, avaient éclaté pendant les répétitions. Une colère injustifiée qui finira par laisser place à l’enthousiasme, les journaux rapportant que les files de spectateurs s’allongeaient jusqu’à dix blocs de part et d’autre du théâtre sur la 7e Avenue le soir de la première.

Vingt ans plus tard, au cinéma cette fois, le grand maître nippon Akira Kurosawa s’essayait avec succès à une autre transposition: Macbeth devenait Taketoki Washizu (Toshiro Mifune), général du Japon médiéval perpétrant des crimes pour devenir le seigneur du Château de l’araignée. Un chef-d’oeuvre en noir et blanc dont les scènes extérieures furent tournées sur les pentes du mont Fuji. Et au début du xxie siècle, Macbeth se mua en Maqbool (Irfan Khan, vu aussi dans Slumdog Millionaire), truand pour la mafia de Bombay dans le film de Vishal Bhardwaj, qui ne pouvait faire l’impasse sur une séquence dansée et chantée dans la plus pure tradition bollywoodienne.

Qu’il soit décliné en opéra (Verdi, en 1847) ou, au cinéma encore, par Polanski (en 1971), dans l’Australie contemporaine (Geoffrey Wright, en 2006), filmé avec des non-professionnels dans un village de pêcheurs de Madagascar ( Makibefo, de Alexander Abela en 1999), ou plus récemment dans une version historique musclée avec Michael Fassbender et Marion Cotillard (Justin Kurzel, 2015), partout et à toutes les époques, on trouve des équivalences au régicide du général Macbeth, poussé dans le dos par sa Lady, et aux prédictions tentatrices des trois sorcières. Parions que ce héros doué d’ubiquité, « thane de Glamis » et « thane de Cawdor », risque fort d’être tourmenté par la culpabilité pendant bien des années encore.

Macbeth: du 17 janvier au 16 février au théâtre royal du Parc à Bruxelles (mise en scène de Georges Lini); du 19 mars au 6 avril au théâtre Varia à Bruxelles (mise en scène de Michel Dezoteux).

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